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jeudi 24 février 2011

La révolte gagne l'Ouest libyen et des ports pétroliers

il y a 1 heure 35 min

Reuters Alexander Dziadosz

Les forces fidèles au numéro un Mouammar Kadhafi ont lancé une contre-offensive jeudi dans l'ouest de la Libye, où plusieurs villes, comme Misrata, échappent semble-t-il désormais au contrôle du régime.

L'insurrection, qui contrôle les grands centres urbains de l'Est du pays, fait tache d'huile et s'étend désormais à une grande partie des zones habitées du littoral méditerranéen, de la petite ville de Zouara, à 120 km de la capitale Tripoli, jusqu'à Misrata, à 200 km à l'est de la capitale.

Deux grands terminaux pétroliers cruciaux pour les exportations libyennes, Ras Lanouf et Marsa el Brega, dans le golfe de Syrte, sont en outre tombés aux mains des insurgés, ont rapporté des habitants de Benghazi en contact avec des employés.

Avant même que ces terminaux ne tombent aux mains des opposants, la production pétrolière de la Libye avait chuté des trois quarts, passant de 1,6 million de barils par jour (soit près de 2% de la production mondiale) habituellement à seulement 400.000 bpj, selon Paolo Scaroni, PDG de la société italienne des hydrocarbures Eni.

Les événements de Libye, qui selon l'ambassadeur français pour les droits de l'homme ont peut-être fait jusqu'à 2.000 morts, ont des conséquences de plus en plus marquées sur les cours du pétrole. Le brut a atteint un nouveau plus haut de 29 mois jeudi matin, le Brent de Mer du Nord approchant de la barre des 120 dollars le baril. Mais l'annonce par l'Arabie saoudite qu'elle était en discussion pour combler le manque de pétrole a fait baisser le Brent, qui retombait aux alentours de 114 dollars le baril dans l'après-midi.

Le colonel Kadhafi, qui avait prononcé mardi un discours fleuve retransmis par la télévision, a donné jeudi une interview téléphonique à la chaîne nationale, dans laquelle il a présenté ses condoléances aux personnes tombées dans les violences, déclarant qu'ils étaient les enfants de la Libye.

Appelant au calme, il a accusé le chef d'Al Qaïda, Oussama ben Laden, d'orchestrer le soulèvement contre son régime. "Ben Laden, voilà l'ennemi qui manipule le peuple", a-t-il dit. "Ne vous laissez pas influencer par Ben Laden!".

Selon lui, les manifestants sont victimes de substances hallucinogènes: "Ils ont 17 ans. On leur met des substances hallucinogènes dans leurs boissons, leur lait, leur café, leur Nescafé", a dit le colonel Kadhafi.

Il a invité la population à s'emparer des armes aux mains des insurgés: "La constitution est très claire: prenez-leur leurs armes", a lancé le dirigeant libyen, qui a dit n'avoir "qu'une autorité morale".

KADHAFI TENTE DE REPRENDRE MISRATA

A une cinquantaine de kilomètres seulement de la capitale, des combats entre insurgés et éléments fidèles à Kadhafi avaient lieu jeudi dans la ville de Zaouiyah, où, selon le journal Kourina, rare média libyen fiable sur les événements en cours, une dizaine de personnes au moins ont été tuées et des dizaines d'autres blessées.

Le numéro un libyen a jugé dérisoires les événements de Zaouiyah: "Les gens sains ne participent pas à une telle farce".

Cette ville, qui abrite un terminal pétrolier, est cependant la plus proche de la capitale où aient été signalés de violents combats.

La chaîne Al Djazira a diffusé des images d'un commissariat en flammes à Zaouiyah.

"Le chaos règne ici. Il y a des gens avec des armes à feu et avec des sabres", a raconté un témoin, Mohamed Djaber, qui a traversé la ville pour se rendre en Tunisie.

Les forces fidèles à Kadhafi ont attaqué en outre jeudi les insurgés qui contrôlent Misrata, la troisième ville de Libye.

Selon des avocats et des juges, Misrata est aux mains des les insurgés, et plusieurs personnes ont péri dans des combats aux alentours de l'aéroport.

Non loin de la frontière tunisienne, à Zouara, ville de 45.000 habitants, des "comités populaires" équipés d'armes automatiques contrôlent les rues, où l'on ne voyait plus aucun soldat ou policier, selon des ouvriers égyptiens qui ont atteint la frontière tunisienne.

Rompant le silence qu'il observait jusqu'alors sur les événements de Libye, le président américain, Barack Obama, a condamné mercredi soir la répression "monstrueuse" des manifestations antigouvernementales.

Le président américain a promis que Washington travaillerait en coordination avec ses partenaires internationaux pour tenir les autorités libyennes pour responsables de leurs actes.

À Paris, le ministre français de la Défense, Alain Juppé, a dit jeudi matin souhaiter que Kadhafi "vive ses derniers moments de chef d'Etat en Libye". Sur France Inter, il a réclamé un durcissement des sanctions "de tous ordres" contre le régime libyen, n'écartant pas une exclusion de l'espace aérien voire l'arrêt des achats de pétrole.

La France a dit en outre souhaiter l'envoi d'une mission d'enquête des Nations unies sur d'éventuels crimes contre l'humanité en Libye.

Eric Faye pour le service français