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jeudi 24 février 2011

Mouammar Kadhafi est en sursis, estime un diplomate français



Les jours, voire les heures du régime libyen de Mouammar Kadhafi sont comptés, a déclaré jeudi à Paris l'ambassadeur de France pour les droits de l'Homme.

Hier, 19h39

Reuters Emmanuel Jarry et John Irish


Des "éléments précis et concordants" laissent penser qu'il a commis dans son pays des crimes contre l'humanité passibles de la justice internationale, a ajouté François Zimeray dans une interview accordée à Reuters, dans son bureau du Quai d'Orsay.

"Le sentiment qui domine ici c'est que la question n'est pas de savoir si Kadhafi va tomber mais quand et à quel coût humain", a-t-il dit. "Je pense que ses jours, peut-être ses heures, sont comptés et la vraie question c'est : quel sera le prix en terme de vies humaines de ce changement."

La portion de territoire libyen contrôlée par le régime de Mouammar Kadhafi "se réduit d'heure en heure", a souligné cet ancien avocat et ex-député européen âgé de 49 ans, chargé d'élaborer la politique française des droits de l'homme.

Il y a peu de chance, selon lui, que le dirigeant libyen parte de lui-même et il n'est pas exclu qu'il le paye de sa vie: "Nous sommes dans une situation où tout est possible."

Des combats meurtriers sont signalés dans les grandes villes de Libye, où Mouammar Kadhafi semble recourir à des mercenaires africains pour réprimer le soulèvement contre son régime.

"Les chiffres que nous avons font état de plus d'un millier de morts et peut-être jusqu'à 2.000", précise François Zimeray, selon qui le ministère français des Affaires étrangères s'efforce de recouper ces chiffres recueillis auprès de personnes restées en Libye.

"Il y a des éléments précis et concordants laissant penser que des crimes contre l'humanité ont été commis", ajoute-t-il. "Dès lors, cela justifie une enquête judiciaire et l'intervention de la justice internationale."

En attendant, la France attend du Conseil des droits de l'homme des Nations unies, qui siège à Genève, et du Conseil de sécurité de l'Onu une condamnation de ces actes et des sanctions "sans faiblesse", souligne le diplomate français.

TACHE D'HUILE

Les autorités françaises et européennes sont très inquiètes par la perspective d'un afflux massif de réfugiés. Le ministre italien des Affaires étrangères, Franco Frattini, a ainsi dit que son pays pourrait avoir à faire face à l'afflux de 200.000 à 300.000 personnes venant de Libye.

"Il y a une sorte de terrorisme migratoire que Kadhafi essaye de mettre en oeuvre", estime François Zimeray.

"Quand bien même ce ne serait pas une politique délibérée de Kadhafi, il y a à craindre que le flottement soit mis à profit par les passeurs, les trafiquants, pour organiser des flux massifs de gens, qui ne sont pas d'ailleurs nécessairement libyens mais qui transitent par la Libye", ajoute-t-il.

François Zimeray estime que les événements de Libye précédés par la chute des présidents tunisien Zine ben Ali et égyptien Hosni Moubarak, sous la pression de mouvements populaires, vont faire tache d'huile dans le reste du monde.

"La première leçon que je tire est que nous vivons dans un monde où chacun sait ce qui se passe chez les autres et qu'il y a un effet d'émulation extrêmement fort", explique-t-il. "Il n'y a pas de raison que ce mouvement ne s'étende pas à une grande partie de l'Afrique et certains pays de l'Asie."

"Les dictateurs du monde entier ont du souci à se faire", ajoute-t-il. "Ce que nous voyons est la meilleure réponse à ceux qui ont essayé de nous faire croire que les droits de l'homme sont un concept occidental imposé (...) On est au début de quelque chose dont on ne peut pas encore mesurer l'ampleur."

Le président français, Nicolas Sarkozy, était allé en Libye en 2007 après la libération d'infirmières bulgares détenues par les autorités libyennes. Quelques mois plus tard, la France avait déroulé le tapis rouge pour recevoir en visite d'Etat Mouammar Kadhafi et engranger d'importantes promesses de contrats, y compris en matière d'armements.

François Zimeray estime que cette double visite était justifiée par le contexte de l'époque. "A un moment, il nous a semblé que la Libye prenait une autre orientation. C'était notre devoir de l'encourager dans cette orientation", explique-t-il.

Edité par Yves Clarisse