par Tarek Amara et Andrew Hammond
TUNIS (Reuters) - Des manifestants exigeant le départ des ministres anciennement fidèles au président déchu Zine ben Ali ont encore affronté la police jeudi en Tunisie dans l'attente du remaniement gouvernemental promis.
Un cabinet de transition a été mis en place après la chute de Zine ben Ali le 14 janvier. Il comprend plusieurs ministres qui étaient auparavant membres du RCD, l'ancien parti présidentiel.
Des manifestants ont entrepris de camper devant la Kasbah, le siège du gouvernement à Tunis, jusqu'à l'exclusion de ces ministres, qui occupent des postes essentiels tels que l'Intérieur, la Défense et les Affaires étrangères.
Certains manifestants ont brisé des cordons de police jeudi. Un petit groupe a dit entamer une grève de la faim tandis que plusieurs centaines de personnes sont venues gonfler les rangs de ce rassemblement.
Outre le remaniement, les autorités de transition ont prévu de former un "comité de sages" pour superviser la transition vers un régime démocratique après 23 années de présidence de Zine ben Ali.
Personnalité politique respectée et éminente du temps de Habib Bourguiba, président de l'indépendance jusqu'à la prise de pouvoir par Ben Ali, Ahmed Mestiri a déclaré qu'il espérait être nommé à la tête de ce comité.
"Le comité protégera la révolution qui s'est déclenchée de manière spontanée. Le moment est venu de structurer le mouvement", a déclaré Ahmed Mestiri, âgé de 80 ans, à Reuters.
AMNESTY ÉVOQUE DES "MÉTHODES MEURTRIÈRES"
Amnesty International dit avoir établi que la police avait fait un usage disproportionné de la force pour disperser les manifestants avant la chute de Zine ben Ali.
S'appuyant sur des témoignages de médecins interrogés par ses représentants, l'organisation de défense des droits de l'homme affirme que certaines victimes ont reçu des balles dans le dos, ce qui semble indiquer qu'elles étaient en train de fuir.
D'autres ont été tuées d'une seule balle à la tête ou à la poitrine, ce qui signifie qu'elles étaient précisément visées, selon cette organisation.
"Ces preuves choquantes confirment que les forces de sécurité tunisiennes ont utilisé des méthodes meurtrières pour faire taire les mécontents et dissuader les manifestants", a déploré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du Programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d'Amnesty International.
"Le fait que certaines des victimes étaient indubitablement en train de s'enfuir témoigne d'un mépris total pour la vie humaine", a-t-elle ajouté.
Le gouvernement tunisien a demandé à Interpol d'obtenir l'arrestation de l'ancien président, exilé en Arabie saoudite, afin de le juger à Tunis.
D'après les estimations des Nations unies, 117 personnes sont mortes dans les émeutes ayant abouti au renversement de Zine ben Ali, dont 70 ont été tuées par balle.
Une équipe de huit personnes formée par Navi Pillay, Haut Commissaire de l'Onu aux droits de l'homme, doit commencer ce jeudi une mission d'une semaine en Tunisie.
"Les violations des droits de l'homme sont au coeur des problèmes rencontrés par le peuple de la Tunisie. Par conséquent, les droits de l'homme doivent être au premier plan pour apporter des solutions à ces problèmes", a déclaré Navi Pillay.
Bertrand Boucey pour le service français, édité par Jean-Stéphane Brosse