A l'Assemblée nationale, la ministre a subi un pilonnage de l'opposition après sa proposition d'une coopération policière au régime du président Ben Ali, formulée le 11 janvier au plus fort du soulèvement populaire.
Devant les députés, lors d'une séance houleuse, le chef du gouvernement est monté au créneau pour exprimer à sa ministre "toute sa confiance", alors que Jean-Marc Ayrault, patron du groupe socialiste, demandait à Mme Alliot-Marie les conséquences qu'elle comptait tirer de ses déclarations.
"De l'aveuglement à la faute il n'y a qu'un pas et c'est celui que vous avez franchi", lui a-t-il lancé.
Peu avant, devant la commission des Affaires étrangères, la ministre a expliqué que sa priorité avait été de mettre fin à la répression violente et d'éviter un bain de sang, se disant "bouleversée par les tirs à balles réelles" et leurs "victimes".
"Je suis scandalisée par le fait que certains aient voulu déformer mes propos, qu'on les ait coupés, qu'on les ait sortis de leur contexte pour leur faire dire à des fins purement polémiques le contraire de ce que je voulais dire", a-t-elle ajouté.
Une semaine auparavant, elle avait suggéré devant l'Assemblée que "le savoir-faire, reconnu dans le monde entier" des forces de sécurité françaises "permette de régler des situations sécuritaires" telles que les manifestations en Tunisie.
Ex-puissance coloniale, la France s'en était tenue à une prudence extrême jusqu'à la chute vendredi de l'ex-président Ben Ali, mettant en avant une obligation de "non-ingérence".
Le lendemain, le président Nicolas Sarkozy avait finalement affiché le clair soutien de Paris aux manifestants, après avoir refusé d'accueillir en France l'ancien homme fort de Tunis.
Michèle Alliot-Marie a admis mardi que "la France, pas plus que d'autres pays, n'a vu venir ces évènements". "Soyons honnêtes: nous avons tous, hommes politiques, diplomates, chercheurs, journalistes, été surpris par la Révolution de jasmin" et personne n'a perçu "l'accélération" des événements, a-t-elle dit.
La chef de la diplomatie a ainsi balayé les appels à la démission émanant des rangs socialistes et écologistes. Sans demander directement son départ, Martine Aubry lui a imputé "une faute grave".
La gestion de la crise par Mme Alliot-Marie fait des vagues au sein même de l'exécutif, selon des sources proches du gouvernement. "La façon dont la diplomatie française a géré la crise tunisienne est navrante (...) on n'a rien vu venir, on a très longtemps minimisé l'importance de ce qui se passait", selon l'une de ces sources.
François Fillon a lancé mardi une contre-attaque, rappelant la bienveillance des socialistes français à l'égard de Ben Ali: il a ainsi souligné le "satisfecit" donné en octobre 2008 par Dominique Strauss-Kahn, directeur général du Fonds monétaire international (FMI).
M. Fillon a aussi adressé des signaux aux Tunisiens, dont beaucoup ont été heurtés par la tiédeur française. Il a encouragé les Français vivant dans le pays "à demeurer en Tunisie" et offert le soutien de la France pour l'organisation des élections, promettant de plaider pour une augmentation de l'aide européenne et un partenariat renforcé entre Bruxelles et Tunis.