Nombre total de pages vues

jeudi 27 janvier 2011

La Tunisie veut juger Zine ben Ali, remaniement attendu

Le gouvernement tunisien a tenté mercredi de donner des gages de rupture avec l'ancien régime de Zine ben Ali avec l'exclusion probable des ministres "bénalistes" et le lancement d'un mandat d'arrêt international contre l'ex-dirigeant et son épouse exilés en Arabie saoudite.

LA TUNISIE VEUT JUGER ZINE BEN ALI ...

Copyright © 2011 Reuters

Le remaniement d'abord promis pour mercredi devrait finalement être annoncé jeudi, a déclaré le porte-parole du gouvernement de transition, Taïeb Bakouche, cité par l'agence de presse tunisienne.

De sources politiques, on indiqué qu'il devrait concerner des ministères régaliens, ainsi que l'exigent les manifestants désireux de tourner complètement la page de l'ère Ben Ali, renversé le 14 janvier après un mois de contestation sociale et politique dans la rue.

Les portefeuilles de l'Intérieur, de la Défense et des Affaires étrangères, dont les titulaires étaient membres du RCD, le parti de Ben Ali, devraient ainsi changer de mains.

Dans un premier temps, il était prévu que le remaniement consisterait essentiellement à remplir les postes laissés vacants par cinq démissions.

Des manifestants réclament depuis des jours que le gouvernement mis en place dans l'attente d'élections soit purgé des ministres autrefois membres du RCD.

Des heurts ont opposé mercredi des manifestants à la police près du palais gouvernemental de la Kasbah à Tunis, après plusieurs jours de protestation globalement pacifique.

COUVRE-FEU ALLÉGÉ

La police a fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser des centaines de personnes, en majorité des adolescents et des jeunes gens, qui jetaient des pierres. Il semblait s'agir de jeunes manifestants venus de régions rurales déshéritées qui campent devant le siège du gouvernement.

Ils ont crié aux forces de sécurité qu'elles étaient la "police de Leila", allusion à l'épouse honnie de Ben Ali, accusée d'avoir une influence excessive sur son mari et des goûts de luxe.

Malgré ces heurts, le gouvernement a annoncé un allègement dès mercredi soir du couvre-feu en vigueur depuis le renversement de l'ancien président.

Nedjib Chebbi, ministre du Développement régional issu de l'opposition, a également annoncé la dissolution de l'agence tunisienne de communication extérieure, qui exerçait de fait une censure sur les médias étrangers sous le régime de Ben Ali.

Le gouvernement a sollicité l'aide d'Interpol pour obtenir l'arrestation de l'ancien président et de son épouse afin de les juger pour détournements de fonds durant leurs 23 années à la tête du pays.

Le mandat d'arrêt international à l'origine de la demande transmise à Interpol vise aussi d'autres membres de la famille, a déclaré le ministre de la Justice, Lazhar Karoui Chebbi.

"Nous demandons à Interpol de trouver tous ceux qui ont fui, y compris le président et cette femme, afin de les juger en Tunisie", a-t-il dit.

Interpol, organisme basé à Lyon, a précisé qu'il avait demandé à ses pays membres, parmi lesquels l'Arabie saoudite, de localiser et d'interpeller les suspects en vue de leur extradition vers Tunis.

"Interpol n'envoie pas de représentants pour procéder à ces arrestations; celles-ci sont effectuées par des représentants locaux des forces de l'ordre conformément à leur législation nationale", écrit l'organisme dans un communiqué.

GRÈVE À SFAX

En Suisse, le gouvernement a annoncé que des fonds représentant plusieurs dizaines de millions de francs suisses lui avaient été signalés par les banques et les institutions financières du pays depuis qu'il a décrété un gel de tous les avoirs appartenant à Ben Ali et à son entourage.

Le ministre tunisien de la Justice a aussi annoncé que six membres de la garde présidentielle seraient jugés pour incitation à la violence après le départ de Ben Ali.

Des manifestants ont réussi à s'introduire dans le bâtiment où le ministre de la Justice tenait sa conférence de presse. A l'issue de celle-ci, ils se sont pressés autour de lui pour réclamer la libération de proches toujours emprisonnés.

Lazhar Karoui Chebbi a déclaré que 11.000 détenus, soit un tiers de la population carcérale du pays, avaient profité du désordre provoqué par la chute de Ben Ali pour s'évader et que 2.460 autres avaient été libérés.

Il n'a pas précisé combien d'entre eux étaient détenus pour des raisons politiques. Le gouvernement avait annoncé qu'il libérerait tous les prisonniers politiques.

La centrale syndicale UGTT a lancé un mot d'ordre de grève générale mercredi à Sfax, deuxième ville et centre économique de Tunisie, où des milliers de manifestants ont réclamé la démission du gouvernement.

En visite à Tunis, Jeff Feltman, sous-secrétaire d'Etat américain adjoint pour les affaires du Proche-Orient, a déclaré que les Etats-Unis étaient prêts à aider la Tunisie dans la préparation de ses premières élections libres.

L'Union européenne s'est également déclarée disposer à aider le gouvernement intérimaire à combattre la corruption et préparer des élections.

Nicole Dupont et Bertrand Boucey pour le service français