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Mardi, au huitième jour de la révolte, il semble bien que le colonel Kadhafi ait décidé de livrer une bataille sans merci pour s'accrocher au pouvoir. Les bombardements de civils par les avions et les hélicoptères se déroulent à huis clos dans la capitale libyenne, qui serait quadrillée par des troupes composées en partie de mercenaires. Plusieurs villes sont tombées aux mains des révoltés. Dans l'ouest, l'armée affronterait des troupes restées loyales à Kadhafi.
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8 heures. La ligue des droits de homme évoque « au minimum de 300 à 400 morts » d'après des informations fournies par ses correspondants locaux. La TV nationale dément les massacres.
1h30. Les médias arabes avaient annoncé dans le soirée de lundi que le colonel Kadhafi allait faire une déclaration. Il a fait une brève apparition à la télévision d'Etat pour démentir en moins d'une minute les rumeurs sur sa fuite :
« Je suis à Tripoli, pas au Venezuela. »
Dans l'après-midi, le ministre anglais des Affaires étrangères disait avoir des informations selon lesquelles le dictateur « était en route pour le Venezuela ».
Assis sur le siège passager d'une vieille voiture blanche, le colonel Kadhafi tenait lui-même un parapluie :
« Je suis satisfait car j'ai parlé cette nuit aux jeunes du Square Green [lieu de la contestation à Tripoli, ndlr] mais la pluie est arrivée.
Je veux leur montrer bien clairement que je suis là, à Tripoli, pas au Venezuela. Il ne faut pas croire les télévisions étrangères. Ce sont des chiens. Au revoir. »
Un peu plus tôt, le général chargé de la Défense a déclaré que ses forces allaient « nettoyer » la Libye de ses éléments anti-gouvernementaux, « des gangs terroristes, composés de jeunes exploités et chargés en pilules hallucinogènes par des personnes qui obéissent à des calendriers étrangers. ».
Principaux visés, les Tunisiens, nombreux à travailler en Libye. La télévision d'Etat a diffusé la « confession » de l'un d'eux reconnaissant avoir distribué de la drogue.
Minuit. Al-Arabiya rapporte qu'en Guinée et au Nigeria, on recrute par petites annonces des mercenaires pour un salaire de 2 000 euros par jour, alors qu'en Libye un groupe d'officiers a demandé aux troupes de rejoindre le mouvement de protestation.
23h30. Geoff Porter spécialiste de l'Afrique du Nord, collaborateur de Wikistrat, conseil en risque politique, interrogé par Reuters :
« Je pense que ce qui va se passer ici sera bien plus chaotique que ce que nous avons vu en Tunisie ou en Egypte. Kadhafi et ses fils n'ont nulle part où aller. Ils ne vont pas aller à Djeda ni dans une cité balnéaire de la mer rouge. Ils vont se battre.
Il y a énormément d'armes dans le pays, et Kadhafi a armé les tribus qui le soutenaient auparavant. Ce qui peut se passer est quelque chose qui ressemblerait à la guerre civile libanaise, une période assez longue de violences. »
19h40. Souhayr Belhassen, président de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme, redoute une augmentation exponentielle des victimes :
« Le bilan risque de s'alourdir. Les attaques aériennes vont faire beaucoup de victimes, d'autant plus que les Libyens vont devoir faire face à une pénurie de médicaments. »
Selon l'activiste, six ou sept villes importantes sont aujourd'hui contrôlées par les manifestants anti-régime. La violence s'est accentuée, mais la résistance aussi.
Les mercenaires engagés par le pouvoir pour matter les protestataires inquiètent particulièrement Souhayr Belhassen :
« Il s'agit d'Africains sub-sahariens, originaires du Zimbabwé, ou encore d'anciens hommes de main de Charles Taylor. Par définition, ils sont payés pour protéger le régime et sont sans état d'âme. »
La présidente craint que les migrants africains, qui sont environ 1,5 million en Libye, fassent l'objet de représailles.
Le terme de guerre civile n'est cependant pas correct pour qualifier la révolte libyenne :
« La Libye a une organisation tribale, mais on assiste davantage à une répression extrêmement sévère du régime envers la population. C'est une oppression classique mais très dure. »
19h10. Selon CBS et Al Jazeera, deux capitaines libyens ont atterri à Malte où ils demandent l'asile politique : ils ont refusé de bombarder la population.
18h45. Un reporter du quotidien libyen Quryna rapporte qu'à Btajurae (40km à l'Est de Tripoli) des mercenaires tirent sur les civils. Al-Jazeera cite plusieurs témoins qui racontent que ces troupes de mercenaires quadrillent la capitale dans des véhicules armés.
18h15. Toutes les communications téléphoniques ont été coupées en Libye. Les connexions Internet également. Seuls Facebook et Skype sont accessibles par moment.
17h45. Le ministre des Affaires étrangères du Royaume-Uni, William Hague affirme détenir des informations qui « suggèrent » que Kadhafi serait en route pour le Venezuela de Hugo Chavez.
17h30. Selon Al-Jazeera, des avions militaires bombarderaient les manifestants à Tripoli, confirmant des informations diffusées par The Guardian.
Sur Twitter, Arwa Mahmoud relaie les SOS des habitants de Tripoli :
« AIR STRIKES ! ! AIR STRIKES ON LIBYAN CITIZENS ! ! #Libya #feb17 #Gaddaficrimes #Gaddafi »
17h10. Deux avions libyens ont atterri à Malte ce lundi après-midi, selon Reuters.
Le ministre des Affaires étrangère maltais a déclaré « essayer de comprendre » pourquoi ces avions auraient opté pour l'aéroport international de Malte. » (Voir la capture d'écran d'Al-Jazeera d'une manifestation anti-Kadhafi, lieu non-indiqué)
16h25. Un groupe de leaders musulmans libyens a lancé une fatwa, selon laquelle il est le devoir de tout musulman de se rebeller contre le régime libyen et de demander la libération des prisonniers politiques.
Selon les Ulémas libres de Libye, qui regroupe cinquante spécialistes de l'islam, « le régime a démontré une totale infidélité envers les préceptes de Dieu et de son prophète bienaimé. »
17 heures. D'après la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH), une partie de l'armée s'est ralliée aux manifestants. Plusieurs villes seraient aux mains des anti-Kadhafi. Souhayr Belhassen, président de l'organisation, a déclaré à l'AFP :
« Beaucoup de villes sont tombées, notamment sur l'est de la côte
méditerranéenne. »
Syrte, ville natale du colonel Kadhafi, serait à présent contrôlée par les protestataires.
16 heures. La London School of Economy (LSE) vient d'annoncer qu'elle suspendait un programme en partie financé par une œuvre de bienfaisance dirigée par Seïf el-Islam.
Selon Associated Press, l'école a accepté en 2009 un don de 2,4 millions d'euros de Gadhafi International Charity and Development Foundation. Le président de cette association n'est autre que le fils du président libyen.
Dans un communiqué, la LSE, qui reconnaît avoir entretenu de nombreux liens avec la Libye ces dernières années, fait son mea culpa :
« En raison des événements affligeants survenus en Libye durant le week-end du 19 et 20 février, l'école est dans l'obligation de reconsidérer ces relations de toute urgence. »
14h30. Selon le site (en arabe) du quotidien libyen Quryna, le port pétrolier de Ras Lanouf, à 600 km à l'est de Tripoli, serait lui aussi secoué par des protestations. La Libye est le deuxième producteur de pétrole en Afrique, avec 1,7 million de barils par jour.
14h20. La résidence de Kadhafi à Tripoli est entourée de manifestants en colère. Un feu s'est déclaré, plusieurs dizaines de personnes seraient blessées.
14h10. Selon Salem Gnam, porte-parole du Front national pour la sauvegarde de la Libye (FNSL), et interrogé par The Guardian, la répression envers les protestataires a été renforcée ce matin, à Tripoli comme à Benghazi :
« Ils ont été bombardés à l'aide d'hélicoptère de combat et d'avions […]. Ils criaient “s'il vous plaît, s'il vous plaît, aidez-nous” car beaucoup de personnes sont mortes dans ces bombardements. La situation est terrible. »
14h05. Les journalistes de Benghazi, deuxième ville du pays où près 300
personnes seraient mortes, ont effectué une marche pour demander aux
médias officiels de cesser de falsifier les événements et réclamer la
liberté de la presse.
14 heures. D'après les images d'une vidéo postée sur YouTube ce lundi, des victimes ont été calcinées dans les affrontements à Benghazi (attention, vidéo difficile). Il s'agirait de soldats brûlés vifs dans leurs baraquements pour avoir refusé d'attaquer les manifestants. (Voir la vidéo)
13h40. Une vidéo diffusée sur Twitter montre un sniper tirant dans les rues de Tripoli dans la nuit de dimanche à lundi. (Voir la vidéo)
13h25. Un chantier de construction sud-coréen a été attaqué dimanche à 30 km de Tripoli. Selon l'agence de presse Yonhap, 500 émeutiers sont venus agresser les travailleurs sud-coréens travaillant sur le site. Certains auraient été gravement blessés. Deux Bengladais, employés sur le site, ont été poignardés.
12h55. Le quotidien italien La Repubblica annonce que la ville de Tarhouna, près de Trippoli, est contrôlée par les opposants à Kadhafi. Les forces de l'ordre auraient déserté la ville.
12h45. Al-Jazeera diffuse le témoignage audio d'un habitant de Tripoli joint dans la nuit de dimanche à lundi. Il confirme que de nombreux bâtiments publics ont été attaqués et pillés.
Des affrontements entre opposants et partisans de Kadhafi ont également eu lieu :
« Après que les manifestants ont brièvement occupé la place centrale de la ville, ils ont été chargés par des voitures et des Land Cruisers dont les passagers ont ouvert le feu sur eux “comme si c'était la guerre”. »
12h40. Selon Skynews, plusieurs banques et postes de police ont été pillés ce lundi à Tripoli. Al-Jazeera précise que des forces de sécurité pillent les bâtiments publics et les banques.
11h50. Le champ de pétrole Al-Nafoora, situé dans une des principales réserves du pays, s'est mis en grève. Suite à cette annonce, le prix du baril de pétrole a augmenté de deux dollars ce lundi.
Sur Al-Jazeera, un expert prédit une forte hausse des prix du pétrole :
« La plupart des puits de pétrole sont situés dans la région de Benghazi, où la révolte est très importante. »
Les conséquences risquent de se faire particulièrement sentir en Amérique du Nord et en Europe, vers qui la Libye exporte massivement son pétrole.
11h40. Historiquement nombreuses dans l'Est de la Libye, les émeutes ont gagné Tripoli depuis samedi 19 février. Des images des affrontements survenus la nuit dernière dans la capitale du pays commencent à circuler sur Internet. (Voir la vidéo)
11h20. Des photos des émeutes survenues dimanche 20 février à Benghazi sont diffusées sur Flickr. Certaines attestent de la fraternisation d'une partie de l'armée avec les manifestants.
11h15. Asharq-al Awsat, quotidien saoudien, annonce la démission du ministre de la Justice. Le Conseil de la révolution libyenne demande à Kadhafi de donner sa démission.
10h30. Guma el-Gamaty, un écrivain et activiste politique libyen craint « un massacre sans précédent en Afrique du Nord ». Dans The Telegraph, il exhorte les dirigeants occidentaux :
« Croyez-moi, Kadhafi va tomber, mais il tuera le plus de monde possible. »
10 heures. Le bâtiment de la télévision publique à Tripoli serait en proie au pillage et en flammes selon l'AFP et Al-Arabiya. L'équivalent du Parlement était aussi en feu, selon un reporter de Reuters.
Minuit. Seif el-Islam, le fils du colonel Kadhafi, s'est adressé en libyen, et non en arabe littéraire, à la population :
« Si nous ne nous entendons pas maintenant pour réformer la Libye, des rivières de sang couleront au travers du pays. »
Affirmant que le pays était au bord de la guerre civile, il a prévenu que l'armée irait « jusqu'au bout ».
Il a reconnu que les militaires avait fait des « erreurs » mais que les victimes étaient moins nombreuses que ce qu'annonçaient les médias étrangers – 83 selon lui, et non plusieurs centaines.
Seif el-Islam a promis des réformes. Au milieu de menaces et prophéties catastrophistes, il a déclaré que « même le commandant Kadhafi voulait une nouvelle Constitution avec des pouvoirs réduits pour le gouvernement ».
« La Libye n'est pas la Tunisie ni l'Egypte. S'il y a des problèmes, nous allons nous diviser en trois pays. Il y a soixante ans, nous étions trois pays. Nous sommes un pays de tribus, nous ne sommes pas un pays de partis politiques. […]
Nous allons avoir une guerre civile comme en 1936. Et qui va récupérer l'argent du pétrole ? Comment allons-nous nous partager cet argent ? Qui va payer nos hôpitaux ? Nos enfants ne pourront plus étudier, ça sera le chaos, nous devrons quitter notre pays si nous ne pouvons pas partager le pétrole.
Nous avons 200 milliards de dollars de projets devant nous. Plutôt que de pleurer 200 morts, nous allons en pleurer 100 000.
L'Occident n'acceptera pas le chaos, l'islamisme et la drogue chez nous, à une heure de la Crète. Il nous occuperont. Le pays sera séparé en deux, entre le Nord et le Sud, comme la Corée, et nous ne pourrons plus nous parler, il faudra un visa pour aller de Benghazi à Tripoli. »
« L'armée était stressée, certains manifestants étaient ivres »
Seif el-Islam a reconnu qu'il y avait eu des morts à Benghazi.
« Parce que l'armée était stressée, elle n'a pas l'habitude de gérer des foules. Certains manifestants étaient ivres, d'autres sous l'emprise d'hallucinogènes. »
Puis il a évoqué la situation à Bayda, d'où sa mère est originaire, accusant les insurgés de vouloir y instaurer un émirat islamique, et les médias arabes de déformer la réalité. Il a assuré que le colonel Kadhafi lui-même mènerait la bataille à Tripoli.
« Nous nous battrons jusqu'au dernier homme. »
Seif el-Islam a conclu ce discours par un « nous voulons vivre et mourir en Libye » et « nous ne laisserons pas Al-Jazeera, Al-Arabiya et la BBC nous piéger ».
Pour Luis Martinez, directeur de recherches à Sciences-Po, « de 2003 à 2009 Seif el-Islam a essayé de réformer le régime. Il s'est confronté aux “staliniens” et a finalement été marginalisé par les proches de son père, les vieux ».
Est-ce parce qu'il donne une image moderne, qu'il a osé parfois critiquer le régime, qu'il a été propulsé sur le devant de la scène ?
« Allié de l'Occident » selon le New York Times
Agé de 38 ans, il était décrit l'an dernier par le New York Times « comme l'allié de l'Occident », mais n'exerçait plus, dernièrement, qu'un rôle honorifique.
En février 2009, le fils préféré du colonel avait évoqué la possibilité de s'exiler. Interrogé par Rue89, Hasni Abidi (directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe) expliquait alors que Saif al-Islam s'était mis à dos les comités révolutionnaires, qui n'avaient pas apprécié ses discours pour ouvrir le régime aux droits de l'homme en instituant une Constitution moderne :
« Personne n'a osé faire ça avant lui. Imaginez : il a critiqué le régime en le traitant d'arbitraire. »
A l'époque, on parlait de rivalités sans merci avec certains de ses frères, dont Saadi, qui dirige la répression. Ses ennuis avec l'aile conservatrice se seraient aggravés au cours des
dernières semaines.
Reuters rapporte que vingt journalistes travaillant pour Ghad, son groupe de presse, ont été brièvement arrêtés. Le
directeur a démissionné et le quotidien a cessé de paraître.
Illustrations : manifestation de journalistes à Benghazi (Quryna) ; manifestation anti-Kadhafi, lieu non indiqué, (capture d'écran Al-Jazeera) ; capture d'écran de l'intervention télévisée de Seif el-Islam ; Colonels libyens réfugiés à Malte. Ils auraient refusé de bombarder la population (capture d'écran A-Jazeera)