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mardi 1 février 2011

Les anti-Moubarak inondent le centre du Caire

il y a 24 min

AP l'Associated Press au Caire



Plus de 250.000 personnes ont afflué mardi sur l'immense place Tahrir, dans le centre du Caire, pour exiger pacifiquement le départ du président Hosni Moubarak. Si le chiffre d'un million de manifestants, souhaité par les organisateurs, ne semblait pas devoir être atteint dans la capitale, il s'agit néanmoins du plus important rassemblement depuis le début de la contestation populaire il y a une semaine.

Une foule hétéroclite -composée d'étudiants, d'enseignants, d'agriculteurs, d'ouvriers, d'hommes en costumes, de femmes en talons hauts ou coiffées de foulards- s'est rassemblée pacifiquement sur la place, avant d'envahir les rues voisines. Le tout sous la surveillance des militaires qui encadraient le flux de manifestants, tandis que les blindés contrôlaient les rues convergeant vers la place et que les avions de chasse survolaient la ville.

Brandissant des drapeaux égyptiens, les manifestants ont chanté des chansons nationalistes et scandé des slogans anti-Moubarak, dans une atmosphère festive et joyeuse contrastant avec les violences de la semaine dernière. Lundi, l'armée avait assuré qu'elle n'"utiliserait pas la force" contre le peuple et que "la liberté d'expression pacifique est garantie pour tout le monde".

"Le peuple veut faire tomber le régime", "Dehors! Dehors! Dehors!", scandait la foule. "On ne bougera pas jusqu'à ce que Moubarak parte", promettait Mohammed Abdullah, ingénieur de 27 ans. "Pour lui, c'est la fin. Il est temps", renchérissait Moussab Galal, étudiant de 23 ans venu avec des amis en minibus de Menoufia, dans le nord de l'Egypte. "Il y a 120 élèves dans ma classe. Aucun professeur ne peut gérer ça", expliquait également Samar Ahmad, une enseignante de 41 ans, précisant que son salaire mensuel ne dépassait pas l'équivalent de 50 euros.

Des volontaires portant des brassards "Sécurité du peuple" disaient surveiller la foule pour empêcher l'intrusion d'agitateurs. "Nous jetterons dehors quiconque essaiera de provoquer des troubles", annonçait un des membres du service d'ordre. Deux mannequins à l'effigie de Moubarak étaient pendus à des feux de circulation, avec l'inscription "nous voulons traduire en justice le président assassin".

Ailleurs, Le Caire tournait toujours au ralenti: banques, écoles, commerces et bourse à nouveau fermés, trains à l'arrêt, Internet coupé. Les scènes de chaos se sont également poursuivies à l'aéroport international, où plus de 18.000 personnes attendent de quitter le pays. Des échauffourées ont opposé des passagers bloqués aux employés de la compagnie nationale EgyptAir, et la nourriture venait à manquer.

Le rassemblement de mardi était organisé à l'appel de divers mouvements d'opposition qui espéraient réunir un million de personnes pour maintenir la pression sur Moubarak et le contraindre à quitter le pouvoir d'ici vendredi. Plusieurs dizaines de milliers de manifestants ont également défilé dans au moins cinq autres villes égyptiennes, dont Alexandrie et Suez, selon les organisateurs.

"Si ce n'est pas aujourd'hui, les manifestants veulent que cela s'arrête au plus tard vendredi, qu'ils ont baptisé 'le vendredi du départ'", a déclaré le prix Nobel de la Paix Mohamed ElBaradeï, figure phare de l'opposition laïque égyptienne, lors d'un entretien à la chaîne de télévision Al-Arabiya. "Mais j'espère que le président Moubarak acceptera de partir avant, et quittera le pays après 30 au pouvoir".

Amr Moussa, le secrétaire général de la Ligue arabe, basée au Caire, a, lui, souhaité un "dialogue immédiat" pour mettre en place des "réformes". "Nous devons nous asseoir autour d'une table, représentants du gouvernement, du régime, de l'opposition, ainsi que toutes les forces politiques, pour élaborer la voie du futur", a-t-il déclaré à l'agence Associated Press Television News.

A Genève, le Haut commissaire des Nations unies pour les droits de l'Homme, Navi Pillay, a estimé que les rassemblements de mardi représentaient "un moment charnière dans la transition égyptienne vers une société plus libre, plus juste et plus démocratique", selon son porte-parole Rupert Colville. "Le monde entier regarde comment le président et le gouvernement remanié réagiront à la poursuite des manifestations".

Quelle qu'en soit l'issue, la contestation égyptienne, inspirée par la "révolution du jasmin" tunisienne, semblait mardi se propager à d'autres pays de la région.

Le roi Abdallah II de Jordanie a ainsi limogé son Premier ministre à la suite des manifestations dans plusieurs villes du pays et chargé Marouf al-Bakhit, Premier ministre de 2005 à 2007, de former un nouveau gouvernement. L'Autorité palestinienne a, elle, fait part de son intention d'organiser "dès que possible" des élections municipales en Cisjordanie, où aucun scrutin ne s'est tenu depuis 2006. AP