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jeudi 24 février 2011

Nicolas Sarkozy face à la fronde des diplomates

Dans une tribune au «Monde», des diplomates réunis au sein d’un collectif anonyme dressent un portrait sans concession de la diplomatie française. Le réquisitoire est sévère pour Nicolas Sarkozy et ses équipes.

Adrien Gaboulaud - Parismatch.com

Nicolas Sarkozy face à la fronde des diplomates

Le président de la République a décidément des relations difficiles avec les grands corps d’Etat. En juin 2008, c’est un groupe de généraux qui, sous le nom de Surcouf, critiquait vertement le Livre blanc de la Défense. Ces derniers jours, Nicolas Sarkozy a dû affronter un mouvement d’ampleur inédite au sein de la magistrature. Mardi, c’est un groupe de diplomates, sous le nom de Marly, qui s’est fendu d’une tribune incendiaire dans «Le Monde» sous le titre: «La voix de la France a disparu dans le monde» Une démarche tout aussi rare dans les milieux de la diplomatie que de la défense ou de la justice.

Dans ce texte court, ces collaborateurs, actuels ou anciens, du Quai d’Orsay, décrivent une diplomatie française affaiblie par la présidence Sarkozy. «Impulsivité», «amateurisme», «préoccupations médiatiques» et «manque de cohérence», la charge est rude pour le président. «A l'encontre des annonces claironnées depuis trois ans, l'Europe est impuissante, l'Afrique nous échappe, la Méditerranée nous boude, la Chine nous a domptés et Washington nous ignore!», clament ces anonymes.

Les conseillers du président au ban des accusés

La période est difficile pour les Affaires étrangères. Les polémiques suscitées par les vacances de Michèle Alliot-Marie et François Fillon, l'affaire Florence Cassez puis l’arrivée en poste mouvementée de l’ambassadeur Boris Boillon à Tunis ont été les controverses de trop pour les membres du collectif Marly, du nom du café où ils se sont réunis pour la première fois. Ces hauts fonctionnaires n’entendent pas se laisser accuser d’avoir cautionné la ligne dictée par l’Elysée. «La politique suivie à l'égard de la Tunisie ou de l'Egypte a été définie à la présidence de la République sans tenir compte des analyses de nos ambassades. C'est elle qui a choisi MM. Ben Ali et Moubarak comme "piliers sud" de la Méditerranée», écrivent-ils.

Les diplomates s’en prennent également aux proches de Nicolas Sarkozy, sans les nommer. Claude Guéant, le secrétaire général de l’Elysée, est visé. «Nous sommes à l'heure où des préfets se piquent de diplomatie», écrivent-ils. Henri Guaino, conseiller spécial du président, qui écrit nombre de ses discours, est rangé parmi «les "plumes" (qui) conçoivent de grands desseins». Difficile, enfin, de ne pas penser à Alain Minc, lorsqu’ils évoquent des « visiteurs du soir omniprésents et écoutés». C’est donc tout le système Sarkozy qui est dénoncé par ces diplomates rebelles.

La première secrétaire du Parti socialiste, Martine Aubry, s’est d’ailleurs engouffrée dans la brèche. «Des ambassadeurs, vous vous rendez compte, qui disent au président de la République: “Vous ne pensez qu'à des coups médiatiques, la France n'existe plus, elle n'a plus de voix dans le monde”, c'est terrible!», a-t-elle déclaré sur BFMTV. Toutefois, les diplomates signataires du texte ne se veulent pas partisans. En conclusion de leur brûlot, ils affirment s’appuyer sur une tribune précédente, parue dans le même journal à l’été 2010, titrée «Cessez d’affaiblir le Quai d’Orsay!» Les signataires: Hubert Védrine, ancien ministre socialiste des Affaires étrangères et Alain Juppé, qui fut également titulaire du portefeuille. Depuis, ce dernier a été nommé ministre de la Défense. Point final