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mercredi 23 février 2011

Rama Yade : "Il faut prendre des sanctions contre Kadhafi"

il y a 28 min
LePoint.fr
Le Point.fr - Publié le 23/02/2011 à 07:27 - Modifié le 23/02/2011 à 09:50

Ambassadrice de la France à l'Unesco, l'ex-secrétaire d'État aux droits de l'homme demande l'arrêt du "massacre" en Libye. Entretien.

Rama Yade : "Il faut prendre des sanctions contre Kadhafi"

Pour Rama Yade, en Libye, "on est face à un système de répression qui ne reculera devant rien". © Tschaen / Sipa

Propos recueillis par Ségolène Gros de Larquier

Le Point.fr : La contestation prend de l'ampleur en Libye. Quelle est votre réaction ?

Rama Yade : Il ne s'agit plus là d'une simple contestation, mais d'une tragédie meurtrière qui m'inspire de la révolte. Il faut arrêter le massacre ! Dans un huis clos insoutenable, Kadhafi tire sur son peuple à balles réelles. En quelques jours, le nombre de victimes a dépassé celui des révolutions tunisienne et égyptienne réunies. Cette tragédie est insupportable pour la conscience humaine.

Selon vous, le dirigeant libyen Kadhafi doit-il renoncer au pouvoir ?

Comment Kadhafi peut-il tenir dans ces conditions ? Il est rejeté par son peuple ! Mais, manifestement, il a choisi la voie de la répression. C'est la stratégie du pire d'un homme aux abois à qui la transformation des rues de Tripoli en rivières de sang ne fait pas peur. Si vous me demandez ce que je préfère entre la répression dans la violence ou sa démission, alors oui, je préfère évidemment qu'il quitte le pouvoir.

La répression des manifestations traduit la réalité du régime. Ce régime est dirigé par un leader s'appuyant sur une garde prétorienne qui a tout d'une milice politique. On est face à un système de répression qui ne reculera devant rien.

Quelle appréciation portez-vous sur la réaction de la France ?

Paris a bien fait de condamner les violences. Mais, désormais, vu la violence de la répression, il faudrait prendre des sanctions contre Kadhafi : par exemple geler les avoirs, interdire les visas d'entrée ou encore suspendre les négociations entamées en 2008 vis-à-vis du premier accord de partenariat entre l'Union européenne et la Libye. Cela dit, je crains même que cela ne suffise pas à arrêter un régime qui est engagé dans une politique de la 'terre brûlée'.

En 2007, à l'occasion de la visite du colonel Kadhafi en France, vous le compariez à un "baiser de la mort". Reprendriez-vous ces mêmes termes aujourd'hui ?

J'étais dans un état un peu particulier quand j'ai prononcé ces mots. Lorsque je suis allée en Libye lors de la libération des infirmières bulgares, Kadhafi avait assuré à l'ensemble de la communauté internationale qu'il avait changé, qu'il souhaitait renoncer au terrorisme, aux armes de destruction massive... J'avais envie d'y croire ! Mais quelques jours avant son arrivée en France, Kadhafi joue la carte de la provocation en déclarant légitime le terrorisme. J'ai compris que ce dirigeant n'était pas digne de confiance et c'est la raison pour laquelle j'ai parlé de 'baiser de la mort'.

Quel jugement portez-vous sur la politique étrangère de la France depuis le début de la révolution qui gagne le monde arabe ?

Même moi, avec mon regard très droit-de-l'hommiste, je n'aurais pas imaginé qu'en deux semaines, Ben Ali allait prendre la fuite et que Moubarak allait partir. Alors à ceux qui disent avoir prévu l'issue des révolutions et affirment haut et fort : '"Vous voyez, on vous l'avait bien dit", moi je réponds que c'est un peu facile ! La rapidité de l'effondrement des régimes a surpris. C'est un fait. Ce qui est certain, c'est que la politique étrangère doit prendre en compte les valeurs, établir un dialogue plus soutenu avec les sociétés civiles, les militants des droits de l'homme, les ONG qui disent des choses de leurs pays que les régimes autoritaires veulent nous cacher. Et les droits de l'homme sont l'honneur de la France. C'est au nom de ces droits que des Égyptiens, des Tunisiens et des Libyens se battent et se font tuer.