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mercredi 2 mars 2011

Banquiers, pervenches, agents... Nouvelles cibles des agressions du public

il y a 15 min

L'Express LEXPRESS.fr

La préfecture de police de Paris organisait un débat ce mardi notamment sur la délicate question de l'agressivité du public envers les dépositaires de l'autorité publique. Récit.

"Faire face aux situations de violence." Le préfet de police de Paris, Michel Gaudin, organisait, ce mardi 1er mars, un atelier débat pour un public trié sur le volet: policiers de terrain bien sûr, mais aussi agents administratifs, employés de banque, commerçants ou encore "correspondants de nuit" de la ville de Paris.

Selon le haut fonctionnaire, les violences contre des personnels "dépositaires de l'autorité publique" se sont accrues de 120% en quinze ans, 6200 procédures de ce type étant diligentées à Paris l'année dernière (11 affaires ont été qualifiées de tentative de meurtre contre des policiers). Michel Gaudin n'a pas éludé le fait que, "quelquefois", ces situations tendues pouvaient aussi déboucher sur des dérapages policiers.

Les débats ont illustré une large palette d'événements, allant de la simple récrimination verbale à la prise d'otages. La violence contre les forces de l'ordre est désormais un phénomène bien connu depuis les premières émeutes urbaines d'ampleur, dans les années 1990. L'agressivité quasi quotidienne à l'égard des personnels au contact du public l'est moins. Cette demi-journée d'échange a permis de l'éclairer de façon saisissante.

Une nouvelle forme de violence est née de la relation commerciale

Pascal Pech, responsable du département sûreté-sécurité-prévention à LCL (ex Crédit lyonnais), a rappelé que si le nombre de vols à mains armés dans les banques est en très nette régression depuis quinze ans, "une nouvelle forme de violence est née de la relation commerciale". Les employés sont d'ailleurs formés en cas d'incident avec la clientèle, incités à régler le problème à l'écart du public, en faisant appel à la hiérarchie. "Nous insistons beaucoup sur la nécessité de dépersonnaliser l'acte: dans ce type d'incident, c'est l'entreprise et sa politique commerciale qui sont cause, et non le collaborateur à titre personnel", a insisté le cadre.

David Julliard, sous-directeur à la direction de la police générale, a pour sa part évoqué des difficultés assez similaires rencontrées aux guichets de la préfecture de police. L'année passée, quelque 1 600 000 personnes y ont été reçues. Les agents chargés de la délivrance des cartes d'identité, des passeports ou des cartes grises, sont essentiellement confrontés à des remarques désobligeantes et à des récriminations portant sur les délais et le coût de l'opération. "Dans un style très Français râleur", résume le haut fonctionnaire. La sous-direction des étrangers, chargée des titres de séjour travaille dans une ambiance différente. "La relation, généralement emprunte de respect, est souvent bien meilleure, mais s'avère plus conflictuelle dans certaines circonstances, rappelle David Julliard. Ici, l'enjeu est bien plus élevé que la délivrance d'une carte grise: il s'agit de savoir si la personne pourra rester ou non sur le territoire français, avec toutes les conséquences que cela implique." En 2010, les agents de cette sous-direction ont déposé une vingtaine de plaintes pour outrage et/ou violences physiques. Un chiffre limité rapporté au nombre de personnes reçues (près de 600 000) mais en constante augmentation. Pour enrayer le phénomène, David Julliard a mis l'accent sur la nécessité d'améliorer les conditions d'accueil, la présence de vidéo surveillance et d'un "gestionnaire de file d'attente": un numéro désigne de manière aléatoire l'agent chargé de l'instruction du dossier.

De son côté, Pierre Moutoussamy, a témoigné de façon très imagée de son expérience de "régulateur au service de traitement des procédures d'enlèvement". Ce nom courtelinesque désigne les agents chargés de désamorcer les conflits entre automobilistes dont la voiture va être conduite à la fourrière, d'une part, et "pervenches" qui viennent de les verbaliser, d'autre part. A l'entendre, c'est un sacerdoce. Pierre Moutoussamy décline la règle des "4 C", sans doute empruntée à la police new-yorkaise: "calme, courtois, constant, consistant" qu'il s'applique à lui-même afin que l'administration recouvre les 126 euros forfaitaires sans esclandre. Ce qui semble marcher puisque sur les 20 000 procédures traitées l'année dernière, une seule aurait débouché sur un outrage. Contrairement au guichet de la sous-direction des étrangers, la misère sociale n'a rien à voir ici. Au contraire. Plus on travaille dans les quartiers huppés, plus on doit prendre sur soi pour garder son sang froid, résume le fonctionnaire, en multipliant les anecdotes. "Le XVIe est un quartier à exemples", fait-il ironiquement remarquer.