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samedi 19 mars 2011

La diplomatie européenne gênée par les autocrates

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Le président biélorusse Alexandre Loukachenko.
Le président biélorusse Alexandre Loukachenko. Crédits photo : VIKTOR DRACHEV/AFP

Les Vingt-Sept cherchent la bonne réponse au Caire, à Tunis et à Minsk.

Qu'ils prennent la fuite, s'accrochent ou vacillent, les autocrates du voisinage donnent du fil à retordre à l'Europe. Avec un temps de retard, et parfois plusieurs, les vingt-sept ministres des Affaires étrangères de l'UE vont tenter lundi de remettre un peu d'ordre dans une diplomatie déchirée entre les aspirations démocratiques de la rue et le maintien de relations décentes avec les régimes en place.

L'Égypte de Hosni Moubarak vient de s'ajouter à une liste déjà encombrée, entre la Tunisie, la Côte d'Ivoire et la Biélorussie. Officiellement, l'avenir du raïs du Caire n'est pas à l'ordre du jour du rendez-vous européen. Mais au minimum, il va s'imposer. Le chef de la diplomatie italienne, Franco Frattini, a déjà brisé un silence embarrassé en suggérant à l'UE d'envoyer «une mission politique de haut niveau dans les pays où il y a des désordres». Une façon aussi de signifier qu'il y a urgence et que la liste n'est peut-être pas close…

Le vent du changement est un défi pour le service diplomatique européen qui se met en place sous la conduite de Catherine Ashton. Peut-il afficher des ambitions modestes à l'heure de grands bouleversements ?

Piquée au vif, la baronne britannique vient de rappeler les grandes capitales à leurs responsabilités et fait savoir que l'UE «ne peut, ni ne doit réagir aussi vite aux événements politiques que les États» qui la constituent.

C'est donc aux Vingt-Sept qu'il reviendra lundi de fixer une ligne et la cadence. Faute d'avoir pesé sur les événements, ils vont ajuster à chaque cas un arsenal désormais classique de sanctions, gel des avoirs et d'interdictions de visas. Le dossier le plus chaud est celui de l'ex-président Ben Ali, de sa famille et de ses proches. Les grandes figures de l'ancien régime tunisien verront leurs actifs et leurs comptes bloqués dans l'UE, s'ils ne sont pas vidés. Plusieurs dizaines d'autres noms pourraient suivre.

Le casse-tête biélorusse

Sur le plan juridique, explique-t-on à Bruxelles, l'affaire tunisienne était délicate parce qu'il n'y a pas de sanctions de l'ONU sur lesquelles s'appuyer, à la différence de la Côte d'Ivoire. C'est donc en accord avec la Tunisie et un gouvernement jusqu'ici flottant que la liste a dû être dressée. Pour tout retarder, il s'avère compliqué de démêler fortunes personnelles et capitaux d'entreprises, elles-mêmes souvent liées à des intérêts européens, français compris. «Cette fois, c'est fait, nous avons les noms», assurait hier un haut responsable européen.

Un casse-tête similaire s'offre en Biélorussie, pays souvent présenté comme la «dernière dictature d'Europe». Après dix-sept ans, le président Alexandre Loukachenko reste solidement accroché au pouvoir

Lundi, l'UE lui imposera, ainsi qu'à 157 autres responsables biélorusses, un gel des avoirs et une interdiction de visa. La sanction, décidée sur le principe au début du mois, restait suspendue à une éventuelle libération d'opposants. Au lieu de transiger, Minsk a préféré menacer de représailles, rappelant implicitement qu'une partie du gaz russe destiné à l'UE transite par ses frontières. «Loukachenko a tranché, nous n'avons pas d'autre choix que de lui rendre la monnaie de sa pièce», écrivaient hier les deux chefs de la diplomatie allemande et britannique dans le Wall Street Journal . En attendant peut-être de convaincre.