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vendredi 18 mars 2011

Rendez-nous notre argent

Publié le 17/03/2011

C’est que réclament les peuples qui se sont révoltés contre les dictatures qui ont ruiné leur pays. Mais la corruption existe aussi dans les démocraties occidentales, elle est dénoncée par les contribuables. Assisterons-nous à une révolution fiscale en France ?

Par Jean Philippe Delsol, administrateur de l’IREF

Nul ne sait encore qui tirera les marrons du feu allumé en Afrique du Nord et au Moyen Orient par un vendeur ambulant tunisien molesté. Le risque est certes que sortis de la Charybde despotique, ces peuples tombent sous le joug d’une Scylla islamique plus tyrannique encore. Mais pour le moment, ce que réclament les manifestants, c’est la liberté et ils demandent unanimement aux gouvernants de leur rendre l’argent qu’ils leur ont volé pendant des décennies de pouvoir absolu et de corruption généralisée.

Les Islandais le réclament aussi. Les partisans des Tea Parties ne comprennent pas que l’argent des contribuables ait servi à renflouer indument et jusqu’à plus de $200 milliards, les caisses percées de Fanny Mae et Freddy Mac. Les Irlandais ont mis dehors le Premier Ministre travailliste du Fianna Fail qui avait augmenté inconsidérément les dépenses publiques au cours des dernières années et qui voulait augmenter les impôts comme remède à la crise. Ils lui ont préféré le Fine Gael libéral et conservateur, qui propose de réduire les dépenses publiques pour retrouver l’équilibre de finances et du pays.

En France, la Cour des Comptes dénonce encore cette année des dépenses inutiles ou excessives. L’association Contribuables Associés a publié un livre noir des gaspillages publics (Les Dossiers du contribuable, Ils ont ruiné la France, en kiosque ce 1er mars). Des sommes folles sont supportées indûment par les contribuables : au niveau national du milliard d’euros de la fausse alerte de la grippe A aux inspecteurs d’académie fictifs de Paris dont les effectifs ont été triplés depuis 10 ans alors qu’ils n’ont plus rien à faire, au niveau local de l’hôtel de région fastueux de Lyon, €164 millions, du socialiste Jean Jack Queyranne aux fonctionnaires privilégiés de Dunkerque. « L’argent public, c’est notre argent » rappelle Contribuables Associés.

Dans tous les cas, il s’agit d’une forme de corruption. Elle est évidente avec les lingots et les liasses de billets entassés des potentats orientaux. Elle est insidieuse et sous jacente dans les systèmes démocratiques occidentaux où les petits avantages entre amis dont bénéficient les élus ou les agents de la fonction publique, nationale ou territoriale, sont souvent le fait de copinages construits autour d’appartenances à des réseaux plus ou moins occultes, à des corps d’État solidaires pour édifier leurs citadelles ou encore aux multiples lobbies qui vendent leurs voix contre crédits d’impôt, taux préférentiels et passe-droits divers et variés. Dans tous les cas, c’est l’argent du contribuable qui paie.

Dans les oligarchies arabes comme dans les vielles démocraties occidentales, il faut rendre aux citoyens leur liberté et leurs propriétés. La Tunisie dispose d’une économie qui était, et qui est sans doute encore, pour deux tiers entre les mains, à part à peu près égales, de la famille Ben Ali et ses affiliés d’une part et de l’armée d’autre part. Rien n’y était possible sans les multiples tampons de petites baronnies qui se rémunéraient au passage. En Égypte, l’économiste péruvien Hernando de Soto avait diagnostiqué il y a déjà 10 ans la maladie de ce pays gangrené par une économie publique surabondante et plus encore par une économie souterraine développée dans un état de non droit dans lequel 92% des Égyptiens détenaient leurs biens immobiliers sans titres de propriété.

L’argent que les contribuables sont obligés de payer pour des services inutiles leur manque pour créer de la richesse et des emplois, et les contraintes sans fin des règles souvent ubuesques que des élus irresponsables et issus ou nourris depuis toujours majoritairement par l’argent public imposent aux relations sociales et économiques entravent les entreprises et plus généralement la liberté des citoyens. En France aussi, les peuples pourraient un jour se révolter en scandant à l’égard du gouvernement « Rendez-nous notre argent ! »