Yves Aubin de La Messuzière estime que la France n'a pas été "à la hauteur" au lendemain de la chute de Ben Ali.
L'ex-ambassadeur de France en Tunisie Yves Aubin de La Messuzière affirme que "les autorités politiques françaises" étaient "parfaitement informées des dérives du système Ben Ali" et que l'expertise des diplomates a été "négligée", dans une tribune publiée mercredi dans Libération. Lundi, Nicolas Sarkozy a déclaré que la France avait "sous-estimé (les) aspirations du peuple tunisien à la liberté", faisant ainsi un mea culpa après avoir été très critiqué pour n'avoir lâché l'ex-président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali qu'après sa chute le 14 janvier.
"Les autorités politiques françaises étaient (...) parfaitement informées des dérives du système Ben Ali, qui rejetait toute référence à la question des droits de l'homme", écrit l'ancien diplomate, en poste en Tunisie entre 2002 et 2005. "L'expertise du Quai d'Orsay, marginalisé depuis 2007, était négligée", accuse-t-il. "Au cours de la décennie passée, les analyses de notre ambassade à Tunis et celles du Quai d'Orsay soulignaient régulièrement la dégradation des libertés publiques et la répression qui touchait les associations et les organisations non gouvernementales", affirme encore Yves Aubin de La Messuzière.
"Incompréhension et indignation"
Selon l'ancien directeur Afrique du Nord et Moyen-Orient au ministère des Affaires étrangères (1999-2002), "les rapports diplomatiques mettaient aussi l'accent sur l'exaspération et le mal-être de la jeunesse tunisienne", ainsi que sur "la prévarication et le développement d'un système de prédation du secteur privé de l'économie par le clan Trabelsi". "L'analyse diplomatique privilégiait le risque de mouvements sociaux à la menace islamiste", affirme-t-il encore. Yves Aubin de La Messuzière juge que "les premières déclarations françaises, au lendemain de la chute de Ben Ali, n'ont pas été à la hauteur".
Il rappelle en outre que les propos de Nicolas Sarkozy au cours de sa visite en 2008 à Tunis, où il s'était félicité "des progrès de l'espace des libertés publiques, avaient suscité l'incompréhension et l'indignation". Il conclut qu'"un effort important est nécessaire pour rétablir la confiance" avec la Tunisie.