Ben Ali et son clan ont amassé des fortunes colossales, fortunes qu’il convient de placer dans le contexte de l’économie tunisienne. Les informations sur ce sujet sont nombreuses, mais souvent difficile à confirmer. Que peut-on en dire aujourd’hui sans tomber dans l’exagération ou l’intox?
Le quotidien ‘‘Le Monde’’, citant notre confrère Slim Bagga, l’un des opposants les plus notoires au président déchu, a affirmé que Leïla Ben Ali aurait emporté dans sa fuite plus d’une tonne et demie de lingots d’or, l’équivalent de 45 millions d’euros (environ 80 millions de dinars).
Cette information n’a pas été confirmée (ni démentie) par aucune source officielle. Les responsables de la Banque centrale de Tunisie (Bct) affirment cependant que les équilibres financiers du pays sont au même point qu’avant le déclenchement de la crise. Il n’y aurait donc pas de crise de liquidités, comme annoncé aussi par certaines sources. Selon eux, les banques ont dû être fermées, vendredi, pour éviter les actes de pillage. Les banques ont d’ailleurs ouvert normalement aujourd’hui. Ce qui est déjà un signe rassurant, en attendant d’en savoir plus sur l’importance des fonds transférés à l’étranger par la famille de l’ex-président.
Combien «pèse» Ben Ali ?
Selon certaines sources, l’ex-président, qui ne possédait pas grand-chose avant d’accéder au pouvoir, aurait amassé, pendant ses 23 ans de règne, une fortune estimée à 5 milliards d’euros (plus de 9 milliards de dinars), chiffre difficile à vérifier.
Selon ces mêmes sources, le président déchu auraient des intérêts dans plusieurs secteurs: banques, transports, immobilier, télécoms, en Tunisie et à l’étranger, souvent aux noms de personnes liges parmi son entourage familier, notamment son beau-frère Belhassen Trabelsi et son gendre Mohamed Sakhr El Materi. Il s’agit de banques privées en Tunisie (Banque de Tunisie), plusieurs compagnies aériennes (Karthago Airlines), des hôtels 5 étoiles en Tunisie (Karthago), des hôtels particuliers en Argentine, à Dubaï, au Canada... Sans parler de ses nombreuses villas luxueuses en Tunisie (Sidi Bou Saïd, Port El Kantaoui, Monastir, Utique…)
L’ex-président posséderait également des comptes en Suisse, dont la valeur est difficile à estimer. En France, il serait propriétaire d’un immeuble en plein cœur de Paris estimé à 37 millions d’euros (70 millions de dinars). Il posséderait également des avoirs dans plusieurs banques françaises.
Selon Slim Bagga, cité par ‘‘Le Monde’’, Ben Ali et les membres de son clan ont procédé, la semaine dernière, au plus fort de la crise, à la liquidation de tous leurs comptes en France. Ce qui reste, bien sûr à confirmer par les autorités monétaires françaises.
Nesrine Ben Ali et son mari Sakher El Materi
La ministre française de l’Economie, Christine Lagarde, s’est contentée d’indiquer sur Europe 1 que Tracfin, l’organisme de lutte contre les mouvements suspects de capitaux, exerçait une «vigilance particulière» sur les mouvements de fonds et les demandes de transferts [émanant de Tunisiens]. On peut espérer aussi que les autorités françaises procèderont aussi au gel des comptes des membres de la famille de Ben Ali, en attendant le rapport de la Commission d’enquête sur la corruption qui va être mise en place incessamment par le gouvernement d’union nationale.
Les lingots d’or: info ou intox?
Le quotidien français, citant la même source, a avancé que la femme de l’ex-président aurait emporté dans sa fuite plus d’une tonne et demie de lingots d’or, soit l’équivalent de 45 millions d’euros (plus de 80 millions de dinars). Elle se serait rendue à la Banque centrale de Tunisie (Bct) pour les récupérer, avant de s’envoler pour Dubaï où elle réside depuis le déclenchement de la crise, et où son époux et les autres membres de son clan, enfuis à temps, ne tarderont pas à la rejoindre.
Sauf à croire que notre collègue Slim Bagga, qui vit depuis près de 20 ans en exil en France, possède des sources sûres au sein de la Bct ou des renseignements tunisiens, on doit prendre ces affirmations avec les réserves requises. Seules les autorités financières tunisiennes pourraient lever le voile sur l’état de la fortune de la famille de Ben Ali en Tunisie, et la partie de cette fortune qui aurait été transférée à l’étranger. Seules aussi les autorités financières des pays étrangers concernés pourront confirmer l’état des avoirs du clan Ben Ali dans ces pays.
Donc, n’y allons pas par quatre chemins et sachons raison garder! Le nouveau gouvernement, dont la composition sera annoncée aujourd’hui, œuvrera, parmi ses premières tâches, à estimer la fortune de Ben Ali, son clan et ses affidés, et à mettre en œuvre les démarches nécessaires pour les restituer au peuple tunisien.