Le gouvernement de transition devrait être remanié, alors que les manifestants se montrent de plus en plus nerveux.
Dix jours après la fuite en Arabie saoudite de Ben Ali et la chute de son régime répressif de 23 ans, la situation reste instable en Tunisie. © Fethi Belaïd / AFP
Source AFP
Le gouvernement tunisien de transition s'apprêtait, mercredi, à annoncer un remaniement, ultime tentative de calmer la colère de la rue contre la mainmise des caciques du régime Ben Ali, alors que la "révolution du Jasmin" fait des émules en Égypte. À Tunis, l'ambiance restait très tendue aux abords des bureaux du Premier ministre dans la capitale tunisienne où la police a tiré des grenades de gaz lacrymogène contre des manifestants voulant forcer un barrage. Des "milliers de travailleurs" ont parallèlement commencé à débrayer à Sfax (sud), la deuxième ville du pays, répondant à un appel à la grève générale pour exiger la démission du gouvernement, selon un syndicaliste.
Le gouvernement de transition formé après la chute du régime de l'ancien président Zine el-Abidine Ben Ali, le 14 janvier, joue sa survie avec l'annonce prévue dans la journée d'un remaniement ministériel. Ce remaniement vise à apaiser la colère des milliers de Tunisiens qui manifestent chaque jour, dans un climat de plus en plus tendu, pour exiger la formation d'un nouvel exécutif épuré de tous les ministres ayant servi sous Ben Ali. Ces derniers occupent la plupart des postes-clés (Défense, Intérieur, Justice, Affaires étrangères), mais certains sont prêts à démissionner, avait indiqué, mardi soir, une source proche des négociations.
"Ils doivent tous partir"
La grande inconnue réside dans l'accueil que réserveront les manifestants à ce remaniement qui servira notamment à remplacer les cinq ministres ayant démissionné la semaine dernière, trois syndicalistes, un opposant et un membre de l'ancien régime. "Nous avons une seule demande : que le gouvernement tombe, ils doivent tous partir, Ghannouchi le premier", a déclaré Bassem El Barouni, un jeune Tunisien parmi les centaines de manifestants qui ont campé pour la troisième nuit de suite sous les fenêtres du Premier ministre.
Ghannouchi, dernier en date des Premiers ministres de Ben Ali, qui a occupé le poste pendant onze ans, est également très contesté par les protestataires qui réclament sa tête. Et ce, en dépit de tous les gages d'ouverture démocratique donnés et des premières mesures sociales annoncées, comme le versement d'une allocation aux chômeurs diplômés de longue durée. Dans l'attente de l'annonce du remaniement, dont on ignorait à quelle heure il serait annoncé, la sécurité a été préventivement renforcée aux abords de l'esplanade de la Kasbah, dans le quartier des ministères, dont les principaux accès étaient barrés par des rouleaux de fils de fer barbelés.
Trois morts en Égypte
Des manifestants ont tenté de forcer l'un de ses barrages à mains nues et jeté des pierres sur des policiers antiémeute, qui ont riposté par des tirs de gaz lacrymogène pour les repousser. Dans la métropole économique de Sfax, bastion historique du syndicalisme tunisien, une "grève générale" a débuté mercredi avec "le débrayage de milliers de travailleurs de tous les secteurs", a déclaré Amine Cheffi, membre du bureau régional de la centrale syndicale UGTT. L'UGTT a joué un rôle crucial dans l'organisation des manifestations de la révolution tunisienne et pèse aujourd'hui de tout son poids dans la contestation du gouvernement transitoire.
La révolution tunisienne fait des émules en Égypte où trois personnes ont été tuées mardi lors de manifestations hostiles au régime les plus importantes du genre survenues en trois décennies de présence du président Hosni Moubarak à la tête de l'État. Après deux jours de consultations à Tunis, le secrétaire d'État adjoint américain pour le Proche-Orient, Jeffrey Feltman, se rendait mercredi à Paris pour des discussions avec des responsables français sur la Tunisie et le Liban. Le haut émissaire américain avait appelé, mardi, les gouvernements arabes à tirer les leçons de la révolution tunisienne en répondant "aux aspirations politiques, sociales et économiques légitimes des peuples".
Le Point.fr - Publié le 26/01/2011 à 07:00 - Modifié le 26/01/2011 à 15:30