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mardi 18 janvier 2011

Dernières nouvelles de la Révolution de Jasmin

LAURENT DAVID SAMAMA

manifestant-tunisie
Quelques mots brefs, à l’heure où Ben Ali semble avoir quitté le pays, sur les derniers développements du soulèvement tunisien.
D’abord ce discours du Président apparemment vaincu qui disait entendre les revendications de son peuple et semblait vouloir lâcher du lest. Plusieurs fois au cours de son discours, le Président tunisien a répété « Je vous ai compris » semblant donner son aval pour que la Tunisie change et poursuive vers plus de libertés.

Sur la blogosphère, on lit que le publicitaire Jacques Seguela aurait porté main forte au Président dans l’écriture de son discours. Il est vrai que l’inspiration pseudo gaullienne n’échappe ici à personne : le « je vous ai compris » constitue une pauvre mais habile formule rhétorique poursuivant un double objectif: d’abord tenter de calmer une population en « clarifiant » une position. Ensuite, feindre de rendre des comptes et promettre des avancées significatives. Pour les démocrates de Tunisie et d’ailleurs, cette allocution présidentielle fut une première victoire ! Voila bien la preuve que le pouvoir peut plier. Lorsque ce dernier subit la pression d’un peuple qui se soulève et demande plus de droits, il n’a, en définitive, d’autre choix que celui de l’écouter. Ben Ali a eu raison de ne pas rester sourd à l’appel du peuple qui gronde. Même si, malheureusement pour lui, il l’a sans doute fait trop tard… Il n’est pas comme on l’entend trop souvent en France, un tyran sanguinaire, un « Ceacescu des sables ». Cette dernière formule est stupide car, tout de même, entre la Roumanie du Conducator et la Tunisie de Ben Ali, il y avait une certaine marge. Je suis d’accord avec Laurent Joffrin lorsqu’il écrit : « Il est donc temps d’appeler un chat un chat et Ben Ali un despote archaïque. » Je ne le suis plus du tout lorsqu’il s’emballe et voit en la Tunisie « une Corée du Nord méditerranéenne. » Un peu de mesure et, de grâce, pas de raccourcis simplificateurs! Ben Ali n’affamait pas son peuple : on ne meurt pas de famine dans les rues de Sousse, Sfax et Tunis. On n’y ambitionne surement pas de construire la bombe atomique. Les Tunisiens ne vivent pas en autarcie. Il y avait, il y a, des progrès à faire mais assurément le pire est ailleurs…

Dans son discours dernier, Ben Ali a promis la liberté de la presse et la fin des mesures de blocage de sites internet. Ici, à la Règle du Jeu qui fut censurée lorsqu’elle exprimait son soutien au peuple tunisien, nous nous sommes aussitôt réjouis de cette declaration et, quel que soit l’ordre politique qui sortira de l’actuelle confusion, nous serons particulièrement attentifs au respect de ces promesses. Les mots du chef d’Etat tunisien font d’ailleurs écho à l’appel lancé jeudi soir par Bernard-Henri Lévy via Twitter, réseau social où le philosophe exhortait les hackers à pirater et bloquer les sites internet officiels tunisiens. Là aussi, la preuve est faite que tous les pouvoirs sont soucieux de l’image qu’il renvoient d’eux-mêmes, les deux blogueurs arrêtés la semaine dernière ont été relâchés juste après l’allocution présidentielle. De même, Jeudi soir, le portail dissident nawaat.org était accessible tout comme l’étaient les plateformes d’échanges vidéo que sont Dailymotion et Youtube. Voilà qui etait de bon augure. Voilà également deux leçons données par les défenseurs des droits de l’Homme :
1/ La mobilisation, même virtuelle, fonctionne.
2/ Le soutien, même lointain, change la donne.

Il faut maintenant voir si tout cela calmera la colère de la rue. Aujourd’hui encore, selon nos informations, on tirait à balles réelles sur la foule pacifiquement rassemblée. Cela doit cesser ! Une autre menace, cette fois interne au soulèvement populaire, grandit. Une menace qui appelle notre attention et doit être surveillée : celle du vandalisme. Les Tunisiens qui aujourd’hui suscitent l’admiration auraient tout à perdre s’ils tombaient dans cet écueil. Evidemment on ne fait pas la révolution en restant propret, mais enfin, le soulèvement populaire trouve désormais un écho favorable partout où les progressistes se rassemblent et il serait dommage de perdre ce fabuleux crédit dans des pillages indignes. La révolution de Jasmin, ce mouvement spontané de révolte, n’a pas de leader mais doit désormais choisir une direction politique. Amis tunisiens, le monde vous regarde !