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vendredi 21 janvier 2011

Le grand écart de la France en Tunisie

Par LEXPRESS.fr avec AFP, publié le 15/01/2011 à 16:04, mis à jour à 16:39

La France a pris son temps pour condamner la répression des manifestations tunisiennes. Avant de lâcher Ben Ali une fois le président déchu...

Le grand écart de la France en Tunisie

Nicolas Sarkozy et Zine El Abidine Ben Ali, le 13 juillet 2008, à Paris.

AFP/Archives/Dominique Faget

La France a rompu ce samedi avec le langage d'extrême prudence qui avait prévalu à Paris depuis le début de la crise en Tunisie, achevant de lâcher Zine el Abidine Ben Ali. L'Elysée a, pour la première fois, assuré de son "soutien déterminé" les manifestants tunisiens.

Grand ami de la France, où il a longtemps été loué pour sa politique de développement économique et de lutte contre les islamistes, l'ex-président y est désormais personna non grata. II a dû se réfugier en Arabie saoudite, après que des rumeurs insistantes et une grande effervescence policière aient semblé indiquer vendredi soir qu'il voulait atterrir près de Paris - ce qu'a officiellement démenti le Quai d'Orsay.

"On ne souhaite pas sa venue", a fait savoir une source gouvernementale française, justifiant ce refus par les possibles réactions de la communauté tunisienne installée en France.

La prise de position très molle de Paris après la répression des manifestations avait heurté les centaines de milliers de Tunisiens de France.

Les intellectuels, notamment, "ont eu beaucoup de mal à avaler les propos de Michèle Alliot-Marie", la ministre des Affaires étrangères, estimait Karim Emile Bitar, spécialiste du Maghreb à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).

Le grand écart de la France en Tunisie

Manifestation contre le Tunisien Ben Ali, le 12 janvier, à Marseille.

AFP/Archives/Gerard Julien

En déplorant les violences, la ministre des Affaires étrangères avait proposé, le 11 janvier, devant l'Assemblée nationale, d'aider la Tunisie à maintenir l'ordre et à gérer les manifestations. "Le savoir faire, reconnu dans le monde entier de nos forces de sécurité, permet de régler des situations sécuritaires de ce type", s'était-elle vantée.

Ce n'est que jeudi, à la veille de la chute de Zine el Abidine Ben Ali, que la France, par la voix du Premier ministre François Fillon, a condamné "l'utilisation disproportionnée de la violence" par la police tunisienne. Mais jusqu'à samedi, aucune marque explicite de soutien aux manifestants n'était venue de l'Etat français.

Un long "silence complice", pour l'opposition de gauche et les défenseurs des libertés. "La position française paraît être celle de la gêne, de la réserve, de la prudence, alors que la France était attendue en Tunisie et plus largement au Maghreb pour parler fort", a regretté François Hollande sur RTL.

Les Etats-Unis ont affiché beaucoup plus rapidement leur fermeté à l'égard de l'ex-président. Et ils ont usé d'un langage beaucoup plus direct. Le président américain Barack Obama a ainsi salué vendredi le "courage et la dignité" du peuple tunisien.

La France a toujours été réticente à critiquer l'ex-président Ben Ali, un de ses principaux alliés en Afrique du Nord.

Au contraire, ses dirigeants soulignaient régulièrement les points qu'ils jugeaient positifs dans son action. Ils minimisaient aussi les violations de droits de l'Homme et le caractère policier de son régime, régulièrement pointés par les ONG.

Lors d'une visite à Tunis en avril 2008, le président Nicolas Sarkozy avait créé l'émoi en affirmant qu'"aujourd'hui, l'espace des libertés progresse" en Tunisie.

"Le président Ben Ali est quelqu'un qui est souvent mal jugé" car "il a fait beaucoup de choses" pour son pays, affirmait encore mardi dernier le ministre de l'Agriculture, Bruno Le Maire, alors que les opposants tunisiens faisaient déjà état de dizaines de morts.

Ce samedi, Nicolas Sarkozy a également appelé à "des élections libres dans les meilleurs délais" et promis que la France traquerait d'éventuels avoirs "suspects" de l'ancien président ou de son entourage en France.

Il a assuré que la France avait "pris les dispositions nécessaires pour que les mouvements financiers suspects concernant des avoirs tunisiens en France soient bloqués administrativement".