Heure par heure
Le jour où Ben Ali a fui la Tunisie
Par LEXPRESS.fr, publié le 14/01/2011 à 11:00, mis à jour le 15/01/2011 à 09:00
Un émeutier à Tunis, ce vendredi, à quelques minutes du départ de Ben Ali.
REUTERS
Le président Ben Ali a fui son pays sous la pression de la rue, laissant son siège à son Premier ministre. LEXPRESS.fr a suivi cette journée, heure par heure.
23h25 Un avion tunisien se serait posé en Sardaigne pour une escale technique, selon des informations données par les sites des quotidiens El Pais et La Repubblica. Les télévisions Al Jazeera et Al Arabyia annoncent des pays du Golfe comme destination finale pour le président Ben Ali, en fuite depuis ce vendredi après-midi.
Pendant ce temps, en Tunisie, le président par interim annonce une réunion prévue ce samedi pour former un gouvernement "qui répondra aux attentes".
20h10 Martine Aubry, première secrétaire du PS, estime que "le départ du président Ben Ali doit permettre la transition démocratique" et demande à la France de "s'engager sans ambiguité en faveur de la démocratie en Tunisie".
20h05 Après l'entrée en vigueur du couvre-feu à Tunis, un homme s'est aventuré hors d'un hôtel de l'avenue Bourguiba, criant "le peuple s'est soulevé et Ben Ali s'est enfui". Il a été ramené manu militari à l'intérieur par des policiers des unités anti-émeutes.
20h01 L'avion de Zine El Abidine Ben Ali survolait peu avant 20h00 l'espace aérien maltais "en direction du nord", selon un porte-parole du ministère maltais des Affaires étrangères.
19h55 Des manifestants tunisiens sont réunis devant l'ambassade de Tunisie à Paris.
19h55 Nicolas Sarkozy et François Fillon sont en réunion à l'Elysée pour parler de la situation en Tunisie, et "aucune information n'atteste la venue de Ben Ali en France", affirme la présidence française, malgré une rumeur insistante, qui dit le président tunisien en route vers Paris, via Malte.
19h50 Des tirs d'armes automatiques sont entendus dans le centre de Tunis sous couvre-feu, selon des journalistes de l'AFP.
19h42 "La plus mauvaise issue serait que le peuple tunisien se libère d'un régime autoritaire pour que cette liberté nouvelle lui soit confisquée par un autre régime autoritaire", s'inquiète le porte-parole du PS français, Benoît Hamon.
19h32 Le peuple tunisien "a le droit de choisir ses dirigeants", déclare la Maison Blanche.
19h14 L'Elysée affirme à l'AFP n'avoir "pas d'information" sur une éventuelle arrivée en France de Ben Ali.
19h04 Tous les vols d'Air France à destination de Tunis sont annulés jusqu'à nouvel ordre, ainsi que les sept vols prévus au départ de l'aéroport tunisien samedi et dimanche, d'une capacité totale de quelque 1.100 passagers.
18h57 Le président par intérim Mohammed Ghannouchi appelle tous les Tunisiens à l'unité.
18h49 Les principaux aéroports tunisiens sont fermés, mais l'espace aérien est encore officiellement ouvert, rendant possible le survol du pays, selon un porte-parole des autorités de sécurité aérienne françaises.
18h40 Le président tunisien Ben Ali a quitté le pays, selon des sources proches du gourvernement. Le Premier ministre Mohammed Ghannouchi assurera l'interim.
18h15 Les principaux partis d'opposition retournent leur veste. Après avoir prôné la coopération et insisité sur la nécessité de mettre en place les réformes annoncées par Ben Ali dans son discours de jeudi soir, ils demandent au président de démissionner.
17h40 L'armée a pris le contrôle de l'aéroport international de Tunis Carthage alors que l'espace aérien a été fermé. Parallèlement, le chef du Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT), Hamma Hammami, interpellé mercredi à son domicile, a été libéré.
17h20 L'état d'urgence a été décrété dans tout le pays avec un couvre-feu de 18h à 6h du matin, ainsi que l'interdiction des rassemblements sur la voie publique et l'autorisation donnée à l'armée et à police de tirer sur tout "suspect" refusant les ordres qui lui sont intimés.
Paris conseille désormais "vivement" aux personnes ayant le projet ou l'intention de se rendre en Tunisie "de différer tout voyage qui n'aurait pas un caractère d'urgence" dans ce pays.
16h44 "Nous, Tunisiens, ne voulons pas de trois années supplémentaires, ni seulement de six mois supplémentaires [avant les élections anticipées que le président Ben Ali vient d'annoncer ce vendredi]. Dehors, maintenant!", lancent les collaborateurs du blog Nawaat.org, sur Twitter, en précisant que le mouvement dépasse les limites de la capitale et touche aussi la province ce vendredi.
16h30 Des blindés ont été déployés devant le ministère de l'Intérieur, alors que des unités anti-émeutes pourchassaient des jeunes manifestants dans les escaliers d'immeubles résidentiels et dans un centre commercial, où ils se sont repliés. Selon un témoin, d'autres blindés de l'armée se sont positionnés devant le ministère des Affaires étrangères ainsi que devant le bâtiment de la Télévision et radio nationale.
16h15 Le président tunisien vient de limoger l'ensemble de son gouvernement. Il a également annoncé la tenue d'élections anticipées dans six mois, a annoncé le Premier ministre Mohammed Ghannouchi. Mohammed Ghannouchi a ajouté avoir été chargé de former le nouveau gouvernement.
15h55 LEXPRESS.fr a recueilli les réactions de l'opposition tunisienne après le discours du président Ben Ali, jeudi soir. Ces partis notent tous le ton nouveau du chef de l'Etat mais appellent à la mise en oeuvre rapide des réformes annoncées. "La population tunisienne n'a plus confiance", constate notamment Ettajdid/Hichem Skik, directeur de la rédaction Attariq Al Jadid, organe du parti Ettajdid.
15h45 Reuters estime que 8000 personnes sont rassemblées dans le centre de Tunis. Des jeunes tirent des pierres en direction de la police qui répond avec des gaz lacrymogènes supplémentaires. L'atmosphère dans l'avenue Habib Bourguiba est irrespirable, selon l'AFP, alors que des renforts de police arrivent sur les lieux.
15h30 L'AFP précise que la police est intervenue lors d'une tentative de jonction d'un groupe important de manifestants avec l'essentiel des protestataires qui se trouvaient déjà massés devant le siège du ministère de l'Intérieur depuis la matinée.
14h50L'ambassadeur de Tunisie auprès de l'Unesco a présenté sa démission. Il explique à LEXPRESS.fr qu'il ne peut plus "cautionner ce qui se passe en Tunisie".
A Tunis, la police tente de disperser la foule en tirant des gaz lacrymogènes, notamment d'après le blog collectif Nawaat.org. La télévision iTélé évoque de son côté des tirs, mais il s'agirait de "balles en caoutchouc".
12h20Pour l'heure, aucun incident n'a été signalé en dépit de l'absence de service d'ordre. Un manifestant qui a jeté une pierre sur le siège du ministère de l'Intérieur, devant lequel un sit-in réunit quelques milliers de Tunisiens, a été conspué par la foule. Sur Twitter, le vidéo-blogueur Haythem El Mekki s'en félicite: "Des milliers de gens devant le ministère de l'intérieur, 0 casse, 0 violence. C'est ça les Tunisiens".
Toujours sur Twitter, l'internaute tifi9 demande des "élections anticipées". Pour les manifestants, la promesse du président Ben Ali de ne pas briguer un nouveau mandat en 2014 ne suffit pas.
12h10 La famille de Hamma Hammami, dirigeant de la formation d'extrême gauche, le Parti des ouvriers communistes tunisiens (POCT), arrêté mercredi matin par la police à Tunis, s'inquiète. Sa femme Radia Nasraoui, avocate et activiste des droits de l'Homme était présente devant le ministère de l'Intérieur pour demander des éclaircissements sur son sort, ce vendredi matin. "Nous voulons des actes et non des paroles", a-t-elle déclaré disant être toujours sans nouvelle de son mari. "On craint pour sa vie et celle d'un de ses avocats, Me Mohamed Mzem, enlevé en même temps que lui", a ajouté Nadia Hammami, la fille de l'opposant, de passage en France.
11h40 En province aussi, l'appel à la manifestation a été entendu. Dans le sud-ouest du pays, à Sidi Bouzid d'où est parti, il y a un mois, le mouvement de contestation a aussi connu une manifestation hostile au président tunisien. "Ben Ali dehors", ont crié les manifestants, quelque 1500 personnes, tandis qu'à Regueb, une localité proche, quelque 700 personnes ont lancé des slogans hostiles. A Kairouan (centre), et à Gafsa (sud-ouest) aussi, des manifestations sont en cours. [Voir notre carte interactive sur la propagation du mouvement depuis un mois].
11h30 Sur Twitter, des internautes relaient déjà des vidéos en direct de la manifestation organisée dans la capitale. Et des photos comme celle-ci.
Des centaines de manifestants se trouvent devant le ministère de l'Intérieur, protégé par un fort cordon de policiers et sur le toit duquel sont postés des guetteurs qui filment la marche. Reuters annonce 5000 manifestants. La télévision iTélé affirme que le centre ville de Tunis est encerclé par l'armée.
Des avocats en robe noire faisaient partie de la manifestation.
AFP/Fethi Belaid
11h La manifestation hostile au président prend de l'ampleur. Le blogueur Ali Habibi tweete le rassemblement. "Les manifestants scandent 'Non à Ben Ali', 'le ministère de l'Intérieur est une organisation terroriste' et chantent l'hymne national", écrit-il. Ou encore: "Les gens font un sit-in devant le ministère de l'Intérieur et incitent les policiers à rejoindre le mouvement". En bref, selon lui, "les Tunisiens n'ont plus peur".
Pour suivre la journée sur Twitter, les hashtags #jasminrevolt, #tunisia et #sidibouzid [le nom de la ville où le jeune Mohammed Bouazizi s'est immolé le 17 décembre, ndlr] sont utiles.
10h30 Des manifestants ont commencé vendredi matin à parcourir le centre de Tunis en criant des slogans hostiles au président Ben Ali au lendemain d'un discours apaisant du chef de l'Etat après un mois d'émeutes sanglantes. "Non à Ben Ali", "Soulèvement continu, non à Ben Ali", "Non, aux Trabelsi (ndlr: la belle famille du président) qui a pillé le pays", ont crié les manifestants. Des avocats en robe noire faisaient partie de la manifestation.
Il n'étaient que quelques dizaines au départ, qui n'ont pas été inquiétés par les policiers. Puis la foule des manifestants a commencé à gonfler pour atteindre plusieurs centaines. Elle a été bloquée par un barrage de police qui s'est vite formé au milieu de l'Avenue Bourguiba de manière à l'empêcher de marcher vers le siège du ministère de l'Intérieur.
Retour sur le discours de jeudi
20h "Je vous ai compris", martelle à plusieurs reprises le président Ben Ali dans un discours télévisé (le troisième depuis le déclenchement de la révolte, le 17 décembre) prononcé jeudi soir, avant de promettre la "liberté totale" d'information et d'accès à internet. Le chef de l'Etat ordonne aux forces de l'ordre de ne plus faire usage d'armes à feu contre les manifestants. Il annonce qu'il ne briguera pas un nouveau mandat en 2014.
Autre promesse: la levée de la censure, alors qu'Internet joue un rôle important dans cette vague de contestation. Les sites internet qui étaient bloqués en Tunisie, notamment Dailymotion et Youtube, sont de nouveau accessibles peu après cette intervention du président Zine El Abidine Ben Ali de garantir "la liberté totale" d'information et d'accès à l'internet.
Réactions sur Internet et dans la rue
Des dizaines de manifestants ont défilé dans le centre de Tunis aux cris de "Ben Ali, Ben Ali!", quelques minutes après le discours du président, en dépit du couvre-feu nocturne instauré dans la capitale et sa banlieue. Les manifestations en faveur du président ont commencé timidement avec quelques voitures qui ont commencé à sillonner le centre de la ville, avant de s'amplifier dans la nuit.
Les opposants ont prudemment salué ce discours, qui "ouvre des perspectives", estime Mustapha Ben Jaafar, chef du Forum démocratique pour le travail et les libertés, membre de l'Internationale socialiste. Mais "il reste à appliquer ces intentions", a toutefois ajouté Ben Afar. La militante des droits de l'Homme Bouchra Bel Haji a évoqué "un discours historique". Mais les sceptiques à l'image de l'avocat et défenseur des droits de l'Homme, Mohamed Abbou, disent ne pas croire le président en déclarant que ce dernier "se moque des Tunisiens avec des promesses sans lendemain".
Les réactions ont aussi fusé sur Internet. "Ammar 404 [le surnom donné au Big Brother tunisien, ndlr] est au chômage", "bye, bye Ammar 404", écrivaient les internautes sur Facebook. Sur ce même réseau social, des internautes ont commencé à dérouler un livre qui était strictement interdit en Tunisie, "La régente de Carthage", écrit par les journalistes français, critique à l'égard de la femme du président Ben Ali et de son "clan".
Réaction de l'opposition
Le chef en exil du mouvement islamiste tunisien Ennahda, Rachid Ghannouchi, est convaincu que le mouvement de protestation en cours en Tunisie va balayer le régime du président Zine El Abidine Ben Ali, selon le quotidien bruxellois Le Soir. Il souligne que des responsables proches d'Ennahda, parti interdit en Tunisie, ont négocié des accords avec des partis laïques comme le Parti démocratique progressiste et le Parti communiste ouvrier.