Nombre total de pages vues

lundi 31 janvier 2011

Tunisie: Rached Ghannouchi se dit "plus proche d'Erdogan"

De retour en Tunisie dimanche après plus de 20 ans d'exil, le chef du mouvement islamiste tunisien "Ennahdha" Rached Ghannouchi a assuré qu'il n'était "ni Khomeini, ni Ben Laden", mais se sentait "plus proche" du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan.

Dans un entretien à l'Associated Press, le premier accordé à un média après son retour d'exil, il a rejeté l'image donnée selon lui par "certains médias occidentaux" en lui "collant le chapeau de Khomeini", le défunt ayatollah en Iran.

"Cette image ne me convient pas. Je ne suis pas Khomeini ni taliban", a-t-il déclaré.

"Les gens doivent savoir qu'il n'y a pas un seul courant islamique mais beaucoup", a-t-il poursuivi. "Pourquoi veulent-ils me rapprocher de (le chef d'Al-Qaïda Oussama) Ben Laden ou Khomeini", a-t-il demandé, "moi je suis plus proche d'Erdogan".

"D'ailleurs, mes livres sont traduits en turc et le Parti de la justice et du développement s'en est inspiré", s'est-il flatté.

Il a par ailleurs adressé un message aux femmes tunisiennes en affirmant que son mouvement entend "renforcer (leurs) droits, pas les amoindrir".

Selon lui, "les craintes" propagées à l'encontre d'Ennahdha par "le dictateur" (en référence à l'ex-président Ben Ali) sont de "fausses allégations et des illusions" qui visent à "diviser la société".

"Ce dictateur a en fait nui à la liberté de la femme et l'a exploitée à travers son épouse (Leïla Trabelsi) qu'il a instaurée comme un mauvais exemple pour la société tunisienne", a-t-il fait valoir.

Interrogé sur ses objectifs, il a déclaré que son mouvement "veut contribuer sérieusement à la réalisation du changement démocratique revendiqué en Tunisie". "Car la révolution tunisienne salutaire a fait tomber un dictateur, mais la dictature demeure au niveau de la Constitution, des lois et des institutions", a-t-il soutenu. "C'est pourquoi elle exige des efforts avec la participation de tous pour instaurer un régime démocratique ouvert à tous les courants en Tunisie".

"Nous voulons que la Constitution change car elle a été taillée sur mesure pour un gouvernant qui s'est déifié, au-dessus des lois e du Parlement et qui n'a de compte à rendre à personne", a-t-il revendiqué.

Rached Ghannouchi a plaidé pour une Constitution pour un Etat démocratique où le président devient un symbole qui "fait partie d'un système parlementaire au lieu d'un système présidentiel".

Il a ensuite réclamé le démantèlement des "institutions de la répression" en citant notamment le corps de la sûreté de l'Etat, c'est-à-dire la police politique.

Il a déploré, à ce sujet, "la grande violence" dont les forces de l'ordre ont fait usage vendredi pour disperser des manifestants devant le palais du gouvernement, ce qui montre, selon lui, que "la violence et la police politique existent encore et que rien n'a changé".

Il a également critiqué l'initiative du gouvernement de transition de créer trois commissions dont celle chargée des réformes politiques, et ce "sans que le mouvement Ennahdha ni aucune autre partie n'aient été consultés".

"Donc, l'avenir de la Tunisie se trouve entre les mains d'une minorité de personnes", a-t-il conclu, en déplorant l'absence d'un Conseil constitutionnel devant examiner les lois proposées.

A une question relative à la reconnaissance de son mouvement par les autorités, Rached Ghannouchi a fait observer qu'"Ennahdha est une réalité. Elle existe depuis 40 ans et le dictateur n'a pas pu l'anéantir". "Si le gouvernement reconnaît tous les partis comme il s'est engagé, c'est tant mieux, sinon Ennahdha est là", a-t-il lancé.

Il a par ailleurs confirmé qu'il ne briguera de nouveau mandat à la tête de son mouvement dont il est "le président élu depuis 2005". "Je cèderai la présidence lors du prochain congrès que j'espère pour bientôt, car je considère qu'il y a une génération plus jeune et plus habilitée que moi désormais".

Il a assuré en outre qu'il n'avait "aucune ambition pour occuper n'importe quel poste au sein de l'Etat, que ce soit président, ministre ou député".

Pour Rached Ghannouchi, son mouvement puise ses valeurs et sa philosophie de l'islam et ne prétend pas parler en son nom (l'islam).

Il a accusé l'ex-président tunisien d'avoir soulevé devant les pays occidentaux "le danger fondamentaliste" pour recevoir des aides et faire taire les protestations contre les atteintes aux droits de l'Homme.

"L'élite tunisienne connaît la vérité que nous sommes un mouvement modéré et démocratique", a-t-il plaidé.

Il a déclaré que depuis 1988 il avait dit que le code du statut personnel ayant instauré l'égalité entre la femme et l'homme et banni la polygamie était "acceptable" pour son mouvement. "Donc, on ne s'emploiera pas à le changer", a-t-il insisté en se déclarant pour la liberté de culte et d'expression.

Interrogé sur la question de l'avortement auquel on dit qu'il serait opposé, il a tenté de l'éluder. Selon lui, "les avis divergent à ce sujet, non seulement en Tunisie, mais aussi aux USA, en Angleterre et partout dans le monde". "Pourquoi classifier les gens selon leurs points de vue sur une queston secondaire?".

Agé de 69 ans, Cheikh Rached, comme l'appellent ses proches, est arrivé dimanche à Tunis par un vol depuis Londres où il résidait en tant que réfugié politique. Des milliers de personnes étaient venues l'accueillir à l'aéroport. Il avait quitté le pays en 1987 dès l'accession au pouvoir de Zine El Abidine Ben Ali. AP