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mardi 22 mars 2011

D’une occupation l’autre

LE FIL TÉLÉVISION - Quelles sont les responsabilités de l'ex-colonisateur britannique dans l'actuel conflit israélo-palestinien ? Peter Kosminsky, le réalisateur de "Warriors", prend le sujet à bras-le-corps dans une remarquable mini-série en quatre épisode qui débute ce lundi soir sur Canal+..



Le 22 mars 2011 à 11h30 - Mis à jour le 22 mars 2011 à 12h24

Peter Kosminsky ne craint pas les sujets épineux. Qui a vu Warriors(l'impuissance des Casques bleus en Bosnie), L'Affaire David Kelly (les dessous de l'invasion de l'Irak), Les Graines de la colère (la trajectoire inverse de deux Britanniques d'origine pakistanaise) et autres fictions aussi inconfortables que bien documentées a pu le vérifier. Dans The Promise, passionnante coproduction franco-britannique, l'auteur-réalisateur explore les racines du conflit israélo-palestinien sur deux époques étroitement entrelacées : la fin désastreuse du mandat colonial britannique en Palestine, entre 1945 et 1948, et ses répercussions, en 2005, à l'intérieur d'Israël et des territoires palestiniens. Un double récit appuyé sur le point de vue « extérieur » de deux citoyens britanniques – Erin, l'héroïne de la partie contemporaine, étant la petite-fille de l'ex-sergent Len Matthews, parachuté dans la Palestine de 1945 juste après la victoire alliée sur l'Allemagne nazie.

Pivot de The Promise, le sergent Len Matthews incarne, en con­densé, ces vétérans de Palestine voués au silence après leur retour sans gloire dans la Grande-Bretagne de 1948. Pendant les quatre ans de recherches qui ont préludé à l'écriture et au tournage de la mini-série (effectué en Israël, avec des comédiens de même nationalité que leurs personnages), Peter Kosminsky et son équipe se sont entretenus avec 82 vétérans, des hommes âgés atteints d'une forme de « syndrome Vietnam ». « En mettant les deux époques en parallèle, je voulais dire que la Grande-Bretagne a une responsabilité dans ce qui se passe aujourd'hui,explique le réalisateur. Parce que ce conflit reste une plaie ouverte dans la politique mondiale, et que nous étions là à ses débuts. Si nous avions laissé la Palestine en meilleur état, il n'en serait peut-être pas ainsi. »


Pour évoquer le présent, Peter Kosminsky emprunte le regard d'Erin, adolescente d'abord naïve et égoïste, dont la meil­leure amie, Eliza Meyer, part en Israël faire son service militaire. En acceptant l'hospitalité des parents d'Eliza pendant l'été, Erin pense s'offrir de belles vacances dans la bulle faussement paradisiaque où vivent les Meyer. Comme pour Len, le grand-père, dont elle découvre la tragédie personnelle par journal intime interposé, c'est le hasard des rencontres et des événements qui l'amène à s'engager dans un conflit dont elle ignore presque tout.

Peter Kosminsky fait de ces deux « candides » (Erin l'étant plus que Len, qui a vu les horreurs de la Seconde Guerre mondiale) les témoins et les acteurs d'une réalité dont ils ne peuvent envisager toutes les dimensions. Il ne sous-titre pas les dialogues en arabe et en hébreu, puisque ni Len, ni Erin ne parlent ces langues. Les autres protagonistes n'existent qu'à travers eux, les événements (basés sur des faits réels) retenus par le scénario sont ceux qui les touchent. Avant, pendant et après la diffusion britannique de The Promise, Peter Kosminsky a été accusé à plusieurs reprises de parti pris propalestinien. « Ma responsabilité, c'était, d'abord, de présenter une image qui rende justice à la complexité de la situation. On n'aide personne en prétendant que le bien et la justice se trouvent d'un seul côté ; si c'était si simple, on aurait déjà trouvé une solution, répond le réalisateur. Ensuite, je n'ai pas cherché à nuancer le film de façon à ce qu'il n'offense personne, mais à faire en sorte que les sympathies du spectateur changent régulièrement de direction en fonction des circonstances. » De fait, à moins d'être déjà bardé(e) de certitudes, on sort de The Promise avec infiniment plus de questions que de réponses.

A lire aussi une interview de Peter Kosminsky.