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samedi 19 mars 2011

J’accuse le président de la République de nationalisme outrancier

Le débat sur l’identité nationale, introduit dans notre pays par le président de la République Nicolas Sarkozy et le gouvernement, recèle bien des ambiguités qui apparaissent au grand jour ces dernières semaines.

Il est vrai qu’à quelques mois d’élections régionales qui semblent perdues d’avance pour l’UMP, toutes les recettes sont bonnes pour faire peur aux Français en stigmatisant les minorités, vues naturellement comme dangereuses pour la "communauté nationale".
La remontée du Front National dans les enquêtes d’opinion, la récente alliance avec Philippe de Villiers, ce politicien pourfendeur de "l’islamisation de la France", la multiplication des affaires nauséabondes dignes du fascisme des années 30 (Polanski, Mitterrand...), la votation suisse anti-minarets cautionnée par le président, tout cela entretient le climat détestable dans lequel notre pays vit actuellement.
Non, monsieur le président de la République, notre identité nationale n’est pas menacée par l’immigration maghrébine ; non, le multiculturalisme n’est pas un problème en soi.
A cela, une seule raison : il n’y a pas et il n’y aura jamais d’identité nationale française.
De quoi parlez-vous quand vous évoquez, pour flatter les plus bas instincts des hommes, l’unité de notre nation ? Parlez-vous d’une race, de cette race gauloise dont les colonisateurs vantaient les mérites aux peuples colonisés ? Parlez-vous d’une langue, cette belle langue française du XVIIème siècle que vous ne maîtrisez pas vous-même et que pas un de vos concitoyens ne maîtrise ? Parlez-vous d’une culture, de la grande littérature d’antan, de Racine, de Rousseau, d’Hugo ?
Non, je crois que vous n’aurez pas ce cran. Il est vrai que dans un pays où la culture est traitée d’une façon indigne, soumise aux intérêts des capitalistes, et réduite à néant par l’essor des technologies, l’évocation d’un passé si glorieux ne pourrait que desservir la politique que vous menez actuellement.
Mais alors : parlez-vous de ces symboles d’un autre âge, de la Marseillaise, ce chant sanguinaire qui invite à la guerre contre l’Europe à l’heure de l’Union Européenne ; parlez-vous du coq français, dont on agite sottement des effigies dans les stades de football, ces lieux modernes du fanatisme des jeux de Rome ; parlez-vous d’un certain état d’esprit, de cet atroce sentiment de supériorité qui galvanisa jadis les Croisés et les colonisateurs, et les chefs d’entreprise qui délocalisent, ces conquérants de l’ère contemporaine ?
Il me semble qu’il y a de tout cela dans les idées du président de la République, à quoi j’ajouterai son insistance saugrenue sur "les origines judéo-chrétiennes" de la France, que ne doivent pas selon lui défigurer les mosquées des immigrés, qui ne demandent qu’à exercer librement leur culte.
Dans le gouvernement actuel, il y a en effet des hommes qui refusent aux musulmans le droit de pratiquer leur religion. M. Christian Estrosi affirmait il y a peu qu’il n’y aurait jamais de minaret à Nice. M. Xavier Bertrand, qui a bien oublié les principes de respect et d’ouverture que lui ont sans doute inculqué les Francs-Maçons, assurait que l’on n’avait "pas forcément besoin de minarets en France". Mais quoi ! Qu’est-ce qu’une mosquée sans minaret ? qu’est ce qu’une église sans clocher ? La France est un pays laïque, et cela ne signifie qu’une chose : l’Etat n’a pas à s’immiscer dans les affaires religieuses des particuliers.
Mais Nicolas Sarkozy, qui a rencontré la pape de Rome dès le début de son mandat, et qui l’a appelé "un très saint homme" ; Nicolas Sarkozy qui fustige la burqa sans même s’intéresser à la multiplication des affaires de pédophilie dans l’Eglise chrétienne ; Nicolas Sarkozy se veut aujourd’hui le chantre de cette vieille France, figée dans des principes surannés et qui ne veut plus avancer dans le progrès humain et intellectuel.
Il n’y a pas d’identité nationale, parce que la France qu’on aime est celle du multiculturalisme, parce que la France qu’on aime doit être "le soldat de l’idéal", comme le disait si justement Georges Clémenceau, et non celle du rejet de l’étranger et de l’intelligence. Il n’y a pas d’identité nationale française parce que la France n’est pas et ne doit pas être une nation homogène, parce que les Français ont tous des racines différentes dont ils peuvent être fiers et qui enrichissent la communauté des citoyens.
Ce n’est pas vers une homogénéisation du peuple que nous devons aller, contrairement à la volonté du président de la République : ces gènes français, ces gènes gaulois n’ont jamais existé et n’existeront jamais. C’est bien plutôt un partage de nos valeurs avec le monde qu’il faut instituer et encourager, des valeurs de justice et d’égalité qui tendent à s’universaliser avec le progrès humain.
Nous avons apporté à l’Orient notre technique scientifique et nos idées révolutionnaires ; l’Orient doit nous apporter son sens de la générosité et de l’accueil. Les Lumières nous ont rendus libres ; à nous de poursuivre sur la voie de la raison et de promouvoir l’égalité, non entre les Français, mais entre les individus du monde entier.
La Nation Française est une construction artificielle que la droite populiste au pouvoir en France et un peu partout en Europe entend défendre coûte que coûte. Mais l’avenir, M. Besson, l’avenir, M. Sarkozy, n’est pas une question d’identité ; l’avenir est une question de droit.
L’avenir, ce n’est pas le spectacle navrant de nations homogènes ; l’avenir, c’est un homotélos universel.
Certes, la mondialisation libérale, que vous prônez, monsieur le président, car elle va dans le sens des capitalistes occidentaux, est une catastrophe, aussi bien écologique qu’humaine, en tant qu’elle place l’argent avant l’individu. Mais elle a au moins le mérite de permettre la rencontre des cultures, bien que l’américanisation des sociétés occidentales et orientales soit un fléau contre lequel il semble que rien ne puisse être fait. En imposant un modèle culturel débilisant et violent, les Etats-Unis sont actuellement l’ennemi principal de l’idéal de partage que nous défendons.
C’est un rejet massif de l’action et des idées de Nicolas Sarkozy qui permettra, seul, une politique plus raisonnable et fondée sur le droit humain. La France a souvent montré l’exemple au reste du monde : 1789 et 1905 furent les deux dates les plus importantes de son histoire. C’est maintenant au reste du monde de sortir la France du chemin glissant que son président a emprunté : l’immigration n’est pas mauvaise en soi ; les étrangers ne viennent pas en France pour voler le travail des nationaux, mais pour survivre et pour y vivre (même si l’absence de toute organisation étatique rationnelle, au bénéfice des entreprises privées, les fait passer pour des intrus).
L’identité nationale est une idéologie qui a le vent en poupe parce que la peur des Français a le vent en poupe.
Dans le contexte de la mondialisation libérale qui tue naturellement des emplois et qui précarise le travail, il est de bon ton de se retrancher derrière des symboles artificiels. Mais au-delà de ces réactions instinctives et plus animales qu’humaines, ce qu’il faut, avant toute chose, c’est changer de politique et rendre de nouveau possible le vivre ensemble dans notre pays, rétablir le lien de confiance avec nos dirigeants, et surtout, faire enfin en sorte que les principes de la République deviennent une réalité. L’identité nationale, dans son néant intellectuel, en prendra forcément un coup.
S’il y a une identité française, monsieur le président de la République, ce n’est pas celle des châteaux, des Eglises et de l’obscurantisme moyenâgeux, mais celle du respect des lois, d’une politique sociale, égalitaire, responsable, et celle du mélange des cultures.
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