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samedi 19 mars 2011

Nous n’irons pas à la manifestation de « solidarité avec les peuples d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient » organisée par la CNAPD et Vrede ce 20 mars

Pourquoi ne pas aller manifester ce dimanche

Rédaction en ligne

vendredi 18 mars 2011, 17:00

Nous n’irons pas à la manifestation de « solidarité avec les peuples d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient » organisée par la CNAPD et Vrede ce 20 mars.

En effet, le 4e mot d’ordre de cette manifestation nous révolte par son hypocrisie : « Réclamer le respect de la souveraineté des pays et des peuples en question » . Rédigé au terme de discussions au sein de la CNAPD et de Vred, et sous prétexte de « protéger » les peuples arabes d’une « guerre pour le pétrole « menée par des Occidentaux rapaces, ce 4e mot d’ordre revient concrètement à laisser les mains libres à la Jamahiriya dans sa campagne de reconquête meurtrière du territoire libyen. Cela revient également, en concordance avec les États-Unis, à laisser les mains libres à l’Arabie saoudite pour écraser les revendications de liberté et de dignité des citoyens chiites bahranis.

Le 5 mars 2011, au terme de manifestations et de combats courageux qui forcent le respect chez quiconque connaît l’idéologie et surtout le palmarès meurtriers de la Jamahiriya libyenne, les insurgés réunis au sein du Conseil national de Transition (CNT) ont proclamé la naissance de la nouvelle République libyenne. C’est au nom de cette souveraineté revendiquée que la République libyenne demande, depuis aujourd’hui 12 jours, un appui de l’Union européenne dans son combat contre le régime totalitaire de Kadhafi. C’est donc au nom de cette souveraineté revendiquée et au nom de nos valeurs que les Libyens lancent des appels à l’aide désespérés. Cela n’a pas empêché certains « esprits forts « de s’étonner du degré d’organisation des insurgés et d’y voir, bien évidemment, la preuve d’une ingérence étrangère. L’effondrement des insurgés libyens, l’impréparation de ces manifestants courageux improvisés rebelles et les atrocités commises contre leurs civils devraient faire honte à ces « intellectuels « et les renvoyer à leurs chères études.

Hélas, en choeur avec certaines diplomaties européennes, la CNAPD et Vrede refusent catégoriquement que l’UE fournisse le moindre appui militaire, même limité dans le temps, même avec un mandat de l’ONU, même motivé par de stricts impératifs moraux et humanitaires. Il ne s’agit pas ici que de mots et de beaux slogans. Concrètement, la CNAPD et Vrede, qui se targuent de respecter la souveraineté des peuples et des États, répondent par un silence méprisant et un refus catégorique aux appels à l’aide des insurgés libyens. Ces derniers ne demandaient pas la lune et, surtout, ils avaient clairement signifié que leurs demandes d’aide n’appelaient pas une intervention étrangère au sol, qui risquait de déboucher sur un scénario irakien post-baasiste.

Hélas toujours, peut-être aveuglés par la bêtise ou le cynisme d’Hugo Chávez qui s’était imaginé pouvoir servir de médiateur entre son allié « Frère et Guide de la Révolution « et les Libyens insurgés, les responsables de la CNAPD, interpelés par des citoyens belges d’origine libyenne, ont répondu être catégoriquement opposés à la demande formulée par le CNT d’une zone d’exclusion aérienne, sous prétexte que, dans le passé, l’instauration de telles zones aurait toujours pavé la voie à une intervention terrestre. Ce qui, en l’occurrence, est faux. L’instauration d’une « no-fly zone » en Bosnie-Herzégovine n’avait pavé le terrain à aucune intervention étrangère mais à un accroissement du nombre de casques bleus de l’ONU déjà présents sur le terrain. En Irak, l’instauration de 2 « no-fly zones » en 1991 avait été décidée après que le régime baasiste ait massacré 100.000 de ses citoyens et soldats révoltés contre le régime de Saddam Hussein fragilisé par la défaite lors de la guerre du Koweït. Ces « no-fly zones » avaient précisément pour objectif d’empêcher tout déploiement militaire américain au sol. L’invasion anglo-américaine de mars 2003 n’a été effectuée que 12 ans plus tard et en rupture avec la stratégie de confinement militaire incarnée par la « no-fly zone » .

Un autre argument avancé par certains altermondialistes, prenant sans doute les opposants libyens pour des demeurés, est qu’une intervention étrangère ne serait motivée que par le pétrole, comme si les Libyens ne le savaient pas. C’est d’ailleurs ce statut de pays exportateur de pétrole et de gaz qui a fait croire aux opposants libyens que les Européens saisiraient cette opportunité… Enfin, certains déclarent également que des « frappes aériennes ciblées », demandées par le CNT, tueraient des innocents. Cet argument revient, involontairement certes, à considérer que les Libyens qui se font massacrer depuis le 15 février ne sont pas innocents…

Donc, drapés dans notre bonne conscience autiste, nous, Européens « de gauche « et « démocrates », savons mieux que ces pauvres Libyens ce qui est bon pour eux et nous rejetons les appels à l’aide des représentants provisoires d’un peuple qui vit et souffre aux frontières de l’Union européenne. Certains de nos interlocuteurs nous rétorquent que ceux qui, parmi les Européens, prônent un recours limité à la force armée auraient davantage de légitimité s’ils avaient, en décembre 2008 et janvier 2009, également demandé une opération militaire d’interposition et imposé un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas. Cette comparaison est bancale. Lors de l’Opération « Plomb durci «, aucun acteur politique palestinien impliqué n’a demandé l’intervention armée de la communauté internationale : le Hamas n’a demandé aucune intervention et le Fatah a « compté les points « en espérant secrètement que l’armée israélienne écraserait le Hamas et permettrait à l’OLP de reprendre le contrôle d’une bande de Gaza qui lui échappait depuis l’été 2007.

Dans le cas de la Libye, la demande d’une intervention étrangère est explicite et politiquement élaborée par les Libyens eux-mêmes. Mais nous n’en avons cure et continuons à considérer que nous pensons mieux que les insurgés libyens. À gauche, nombreux sont ceux qui ne semblent pas se rendre compte que l’écrasement de l’insurrection libyenne contient en germes la mort à petit feu du « Printemps des peuples arabes « . Réarmée par la Syrie (elle-même armée par l’Iran) et l’Algérie, la Jamahirya libyenne pourrait bientôt proclamer que « l’ordre règne à Benghazi « . Pour beaucoup de citoyens des autres États arabes, l’immobilisme des Européens face à la « normalisation « sanglante de la Libye signifierait que ces Européens, fussent-ils drapés dans leur bonne conscience de gauche, ne bougeraient pas davantage pour appuyer, de façon plus concrète que par de beaux slogans, les Arabes dans leur combat pour la liberté et la Karâma, la Dignité.

Cela signifierait également que la petite Tunisie pourrait craindre pour sa « transition démocratique «, menacée qu’elle serait par une Jamahiriya libyenne requinquée et déterminée à déstabiliser ce voisin dont les citoyens courageux avaient donné en décembre 2010 le coup d’envoi au « Printemps arabe « . Cela signifierait aussi que la dictature baasiste syrienne saurait désormais qu’elle pourrait écraser dans le sang d’éventuelles manifestations sans susciter autre chose que des haussements d’épaules. Cela signifierait également que la transition démocratique égyptienne serait elle aussi menacée. Cela signifierait enfin que les Palestiniens et les opposants israéliens sauraient désormais qu’ils resteront définitivement seuls dans leur face-à-face à huis clos avec l’occupation et la colonisation israéliennes.

Investis intellectuellement et physiquement depuis plus de vingt ans dans la défense des droits individuels, collectifs et nationaux des sociétés du Moyen-Orient et du Maghreb, nous, signataires de cette tribune, avons ressenti, comme nombre de nos confrères, collègues et amis, une joie et un soulagement indescriptibles devant l’avènement du « Printemps arabe « . Mais, depuis le début, nous craignions aussi que ce « Printemps « ne soit à moyen terme chassé par un « Automne « voire un « Hiver » : la reprise en mains des sociétés insurgées par les appareils sécuritaires. Jamais nous n’aurions cru que le risque de cet « Hiver » advienne si rapidement. Jamais non plus nous n’aurions imaginé que notre environnement politique « naturel « se montrerait si frileux et si aveugle. »

La manifestation du 20 mars se veut sans doute un soutien aux peuples du Maghreb et du Moyen-Orient. Son 4e mot d’ordre n’est en fait rien d’autre qu’un baiser de la mort.

Pascal Fenaux

Chargé de cours à l’IHECS, journaliste et traducteur à Courrier international (Paris) et à la Revue nouvelle (Bruxelles)

Pierre Vanrie

Assistant à l’ULB, journaliste et traducteur à Courrier international (Paris) et à la Revue nouvelle (Bruxelles)

Pierre Coopman

Journalise et traducteur pour le blog Arab Press (http://www.arabpress.typepad.com) et à la Revue nouvelle (Bruxelles)

COMMENTAIRE F.B

  • Pascal Fernaux n'aime pas Israël....


  • Y en a tellement !
  • Oui, il faut lire ces articles dans le "Corrier International", c'est à vomir.
  • Courrier
  • j'ai reçu l'invitation..MAIS JE N'IRAIS PASSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSS8
  • Emma Itoua Attends que je te fwd la réponse du Bourgmestre de Bxl suite au courriel que lui a envoyé Jacques Sobieski par rapport à la manif du samedi dernier..Voilà:

    Voici la réponse du Bourgmestre de Bruxelles au courrier que je lui ai adressé, un courrier copie de la lettre de Luc Henrist par rapport à la manifestation anti juive de Bruxelles du 12 mars 2011.

    Cher Monsieur Sobieski,

    J’ai bien reçu votre... courriel concernant la manifestation qui s’est déroulée ce samedi 12 mars 2011 dans la rue Neuve. Permettez-moi de vous expliquer la démarche qui fut la mienne dans la délivrance de son autorisation.

    Nous avions reçu une demande d’associations musulmanes pacifistes, connues de nos services pour avoir déjà manifesté à plusieurs reprises dans les rues de Bruxelles et ce, toujours dans le respect des règles fixées tant par la législation que par les services de police.

    Leur demande pour le samedi 12 mars respectait en tous points la législation et, suite au rapport de police qui m’a été fourni, je n’avais absolument aucune raison de l’interdire. Des limites avaient par contre été établies avec les organisateurs afin de préserver l’ordre public et de ne pas choquer les spectateurs.

    Sans me prononcer sur le contenu de leur message, il apparaît clairement que les organisateurs ont dépassé les limites qui leur étaient fixées. Je regrette donc les proportions que l’évènement a pu prendre et déplore le fait que des personnes aient pu en être choquées.

    J’ai demandé à mes services de police d’être très vigilants à l’avenir quant à l’autorisation de ce type d’actions sur l’espace public. Tout en préservant le droit à la liberté d’expression, nous mettrons tout en œuvre pour éviter qu’un tel scénario ne se reproduise.

    J’espère avoir pu vous apporter des éléments de réponse satisfaisants et vous prie de croire en l’expression de mes sentiments les plus distingués.

    Freddy THIELEMANS,
    Bourgmestre de la Ville de Bruxelles - Burgemeester van de Stad Brussel
    Grand-Place - Grote Markt
    1000 BRUXELLES - 1000 BRUSSEL