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lundi 24 janvier 2011

Comment le clan Ben Ali a viré Yves Lecoq de sa villa en Tunisie

Yves Lecoq au Festival de Cannes, en mai 2009 (Eric Gaillard/Reuters).

Info signalée par un internauteIl y a cinq ans, l'imitateur des Guignols de l'info Yves Lecoq, amateur de week-ends en Tunisie, tombe en extase devant une splendide maison à Hammamet : entièrement blanche, érigée dans un parc planté d'arbres centenaires, en bordure de la plage. C'est à peine si l'humoriste remarque la présence de policiers à proximité de la maison.

Yves Lecoq apprend que le propriétaire (français) de cette propriété paradisiaque serait disposé à la lui céder, et il signe rapidement une promesse de vente. La transaction prendra quatre ans avant d'être conclue…

« Ça commençait mal… »

Joint par Rue89, l'imitateur donne quelques précisions sur ce long délai :

« Pour acheter une maison quand on est étranger, même si le vendeur est lui-même étranger, il faut une autorisation du gouverneur. Comme celle-ci ne venait pas, je me suis dit que ça commençait mal… »

Yves Lecoq devient enfin propriétaire de la villa en 2009. Aussitôt l'acte signé, il a le projet, bien naturel, de se rendre dans sa nouvelle demeure.

En arrivant sur place, les clés en poche, des policiers en civil lui interdisent de rentrer chez lui. Il explique qu'il est le nouveau propriétaire, mais les cerbères ne veulent pas en démordre : il ne peut entrer dans sa maison.

Un poste de police chez le voisin

Yves Lecoq constate que sa rue est fermée par une barrière, comme à un poste de douane, et que de nombreux policiers en uniforme et en civil en interdisent l'accès. Il remarque aussi que la maison de gardien de son voisin a été transformée en poste de police.

« Courtoisement » emmené au poste, il est sommé de présenter son passeport pour avoir osé vouloir rentrer chez lui. Lecoq les questionne alors sur son voisinage et découvre que la villa mitoyenne de la sienne, une bâtisse au luxe très ostentatoire, dégoulinante de marbre, est la propriété de l'un des gendres du Président Ben Ali, un jeune homme d'une trentaine d'années, Mohamed Sakher El Materi, époux de Nesrine, 24 ans, l'une des filles du dictateur.

El Materi est également propriétaire d'un établissement bancaire, la banque Zitouna, et s'est emparé, en quelques années, de nombreuses entreprises en Tunisie et de propriétés appartenant à des Tunisiens.

Réveillé par les rugissements d'un lion

Yves Lecoq est enfin autorisé à rentrer chez lui. Il fait chaud, et pour trouver un peu de fraîcheur, Yves Lecoq s'installe un campement de fortune afin de passer la nuit dans son jardin. Il est réveillé en pleine nuit par les rugissements d'un lion.

Le fauve est dans le jardin, il en est sûr. Il appelle au secours. Son gardien arrive précipitamment, le rassure et lui explique que le lion est de l'autre côté du mur, dans le jardin de son voisin. Dans la journée, l'animal dort, écrasé par la chaleur. Mais la nuit, le fauve se réveille et rugit…

Le récit de Lecoq est confirmé dans une dépêche diplomatique révélée par WikiLeaks. L'ambassadeur des Etats-Unis Robert F. Godec raconte son dîner du 27 juillet 2009 dans la propriété de Sakher El Materi, que l'on présente alors comme le successeur de Ben Ali. L'Américain, lui, parle d'un tigre, mais selon Yves Lecoq, il s'agissait bien d'un lion :

« Il avait sa cage juste contre la séparation avec mon jardin. J'ai voulu mettre une clôture, mais El Materi m'a demandé de ne pas le faire. J'étais toujours dans la crainte de représailles, d'autant plus qu'il avait recruté le frère du gardien de ma maison pour avoir des renseignements. »

Un voisin « exigeant, vaniteux et difficile »

Dans le câble révélé par WikiLeaks (qu'on peut lire intégralement en anglais), le diplomate américain qualifie El Materi comme étant « exigeant, vaniteux et difficile », sa femme « naïve et ignorante », pour conclure :

« L'opulence dans laquelle El Materi et Nesrine vivent, ainsi que leur comportement, expliquent clairement pourquoi ils sont, ainsi que d'autres membres de la famille de Ben Ali, détestés et même haïs par certains Tunisiens. »

On apprend aussi que le fauve consomme quatre poulets chaque jour, et que sa présence a rappelé à l'ambassadeur le lion que possédait Udaï Hussein, le fils de Saddam, dans une cage à Bagdad…

Une belle demeure, un bien mal acquis

Au moment où il a acquis la maison, Yves Lecoq n'était pas vraiment au fait des coutumes de la famille régnante.

Il a d'abord été approché par un homme d'affaires franco-tunisien. Empêché de faire des travaux dans sa propre villa, il a fini par renoncer, de guerre lasse. En 2010, quelques mois avant la chute du pouvoir, il a vendu sa maison à Sakher El Materi :

« Apparemment, la télévision tunisienne disait ces jours-ci que je pourrais la récupérer. Mais c'est un bien mal acquis, acheté avec de l'argent qui l'est aussi… Donc je ne sais pas si ce sera possible. »

L'imitateur des Guignols de l'info est un amateur de belles demeures, pas d'embrouilles. En France, il jouit en paix de ses trois châteaux : celui de Villiers-le-Bâcle, où il réside, près de Paris, le château de Maisonseule, en
Ardèche, et sa dernière acquisition, un château en Vendée, terre de ses ancêtres. A la campagne, l'imitateur porte le nom d'Yves Lecoquierre-Duboys de La Vigerie.

Photo : Yves Lecoq au Festival de Cannes, en mai 2009 (Eric Gaillard/Reuters).

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Yves Lecoq, "fou de châteaux" : "une vocation"
Yves Lecoq Fou de châteaux
Yves Lecoq, ph. Roland Beaufre - Fou de châteaux, éd. du Chêne ©

Humoriste, imitateur, musicien, "saltimbanque"... et châtelain. Yves Lecoq, nous dévoile cette facette de son "intimité domestique" avec la publication d'un livre intitulé "Fou de Châteaux" aux éditions du Chêne. Une passion, voire même une "vocation" comme il nous l'explique, lors d'un entretien accordé à Maison à part.

"M. Lecoq succéda donc à Madame Chapon, l'ancienne propriétaire. Après le "Haut la crête" de Suzanne (inscription au fronton de la propriété baptisée Suzanne, NDLR), il fallait bien cette coïncidence pour me croire chez moi." Yves Lecoq croit aux signes, qu'ils soient vécus dans l'humour, ou qu'ils le rapprochent des souvenirs de son enfance, vers où, d'ailleurs, il faut se tourner pour comprendre sa passion pour les châteaux. Un amour qu'il raconte dans un ouvrage intitulé Fou de châteaux, paru aux éditions du Chêne. Car celui qui incarne la voix du "PPD" des Guignols de l'info, tous les soirs sur Canal+, est né dans une famille amoureuse d'histoire. Sa grand-mère lui donne en effet très tôt le goût et la passion de ce qui sera sa première vie, "avant celle de saltimbanque" : celle d'antiquaire et de décorateur, avec une préférence pour la période du XVIIIe siècle, qui avait les faveurs de son aïeule.

Une "vocation"

Cette histoire de château commence d'ailleurs par la volonté de trouver une maison à l'image de celle que possédait sa grand-mère, "nous sommes cinq enfants à avoir été marqués par cette maison du bonheur", une jolie maison meulière, toute simple, en lisière de forêt. La maison doit être familiale. Pour Yves, cela sera d'abord un joli pavillon à Vanves, avec un jardin. Alors qu'il cherche une autre maison en Normandie, terre de ses ancêtres, "je transformai mon envie de ferme à colombages, raconte-t-il dans son livre, en envie de manoir picard de briques et de pierres." La Picardie, terre également de champs de betteraves, là-même où son "père devait se rendre pour visiter les sucreries lorsqu'il travaillait chez Lebaudy (grande famille de sucrier, NDLR)" : un signe... Il trouve Hédauville, son premier "rêve achevé", un château du début du XVIIIe, qu'il retape plusieurs années et que l'antiquaire qu'il avait été, remplit de meubles et bibelots glanés au cours de ses tournées de saltimbanque. Nous sommes en 1975.

Yves Lecoq, fou de châteaux, ed. Chêne
Yves Lecoq, Fou de châteaux - ph. Roland Beaufre - Ed. Chêne ©
Yves Lecoq, devant Chambes
Commence ensuite une série de "sauvetages" au gré des acquisitions et des reventes et surtout, des "coups de foudre"... Une passion ? Une folie, c'est sûr ! Voire, une "vocation". "Quand j'ai acheté Villiers (l'une de ses dernières acquisitions, NDLR) tout le monde m'a encore dit que c'était de la folie... mais en fait, j'ai procédé à ma petite mesure et j'y suis arrivé," nous raconte-t-il. "Je considère cela comme une action, je n'irais pas jusqu'à dire philanthropique, mais pour le moins qui me permet de laisser une trace, de sauver des endroits qui le méritent, qui méritent d'être préservés, un deuxième côté qui justifie certaines folies". Dans le livre, il précise encore, "redonner leur âme aux vieilles maisons, leur faire revivre leur passé, a toujours été pour moi comme une vocation." Lorsque l'on s'étonne que lui, personnage public, nous dévoile une partie de son "intimité domestique", comme il l'appelle, que cela soit à travers ce livre ou lors des visites des châteaux organisées l'été, il nous explique qu'il "essaie de garder le même esprit de châtelain, de l'époque" mais surtout, dit-il "d'une certaine manière, je l'ai acquis grâce au public, je lui renvoie donc l'ascenseur."

Epopées

A travers ce livre, Yves Lecoq nous conte ainsi ses différentes épopées : le château d'Hédauville, revendu pour celui de "Suzanne", en Santerre, dans lequel il vivra 18 ans de travaux avant de ne devoir s'en séparer ! Puis Maisonseule, une forteresse quasi en ruines "au fin fond des monts du Vivarais", d'architecture médiévale, sur lequel il s'arrête longuement. Avant de nous entraîner dans l'aventure du château de Villiers-le-Bâcle qu'il mettra deux ans à acquérir. Un "coup de foudre", "l'envoûtement de la découverte d'un monde à part". Villiers, c'est "la concrétisation de tous ces rêves". Le château est situé non loin de Paris et possède un parc magnifique : l'environnement est en effet aussi important pour Yves Lecoq que le bâti.

Vous l'aurez compris, Yves Lecoq ne s'arrête jamais ! En expert, quand il n'a pas un chantier en cours - et il en a toujours ! - il part à la recherche d'une demeure pour ses amis ou sa famille. Comme cette dernière acquisition, Chambes, trouvée en Charente, à l'occasion de pérégrinations pour sa sœur Françoise. Là encore, osons le jeu de mots, il aura 'suffit d'un signe' : Fénelon, avec qui les ancêtres d'Yves Lecoq étaient liés, avait possédé cette seigneurie. Chambes devient la demeure familiale du saltimbanque... La dernière ? Pas sûr ! Encore faudrait-il qu'il se pose...

Retrouvez l'interview d'Yves Lecoq en page suivante.