Selon l’envoyée spéciale du ‘‘Monde’’, citant un conseiller de Ben Ali rencontré le 17 janvier à Tunis, Ali Seriati aurait dit: «Peut-être on partira, mais on brûlera Tunis».
Ledit conseiller, qui avait pris contact de sa propre initiative avec le journal parisien quelques jours avant la chute de l'ex-président parce qu’il ne voulait pas «être complice des massacres», a raconté les derniers jours de Ben Ali en Tunisie.
Une atmosphère délétère au palais
«Il régnait une atmosphère délétère au palais. En septembre, il y a eu un accrochage très sérieux entre le président et sa femme, et, à partir de là, la présence de son frère Belhassen et de son fils Imed est devenue de plus en plus forte.»
Avec un troisième compère, Slim Chiboub, marié à Dorsaf Ben Ali, ce clan aurait mis au point, en octobre, un scénario «diabolique» consistant à laisser «le président en poste jusqu’en janvier 2013, puis sa démission aurait été annoncée pour raison médicale, suivie d’un appel pour des élections». Selon ce même plan, les partis «amis» seraient sollicités pour provoquer une polémique en présentant de faux candidats. Le Rcd, le parti du pouvoir, organiserait alors des manifestations un peu partout. Une «manif monstre d’un million de personnes à Tunis» serait organisée «pour réclamer la candidature de Leïla».
Selon l’informateur du ‘‘Monde’’, l’autre gendre de Ben Ali, Sakhr El-Materi, décrit comme «un requin qui n’a pas de dents», n’a pas été mis au parfum.
«Qu’il crève» a dit Ben Ali à propos de Bouazizi
Le suicide de Mohamed Bouazizi, immolé par le feu, le 17 décembre, laisse Ben Ali «totalement indifférent». «Il a dit quelque chose comme : ‘Qu’il crève’. A ce moment, Abdelwaheb Abdallah est devenu le véritable régent, et Abdelaziz Ben Dhia le filtre sans qui rien ne passait», raconte le conseiller. Ali Sériati, le chef de la garde présidentielle, fait partie de la clique rapprochée. La situation dans le pays se dégrade. La révolte, qui prend de l’ampleur, rend les conseillers du président fébriles.
Le 29 décembre, au lendemain du premier discours du président, lors d’une réunion de crise, Abdallah dit «Il faut que tout ça soit manipulé par un groupe affilié à Al-Qaida au Maghreb islamique. Pour nos amis français, c’est la seule solution.» Ben Ali, plus lucide que son conseiller politique, réplique sèchement: «Aqmi en Tunisie, c’est la mort du tourisme, on va se suicider.»
Pour expliquer les manifestations, les collaborateurs de l’ex-président servent aux Américains l’argument du «foyer islamiste» à Kasserine, la ville où les manifestations ont été les plus durement réprimées. «Il y a eu un air de fête après les déclarations de Michèle Alliot-Marie lorsqu’elle a proposé d’aider à former des policiers tunisiens. Et Eric Raoult appelait tout le temps pour dire qu’il ne fallait pas ouvrir la brèche aux islamistes; Abdallah l’avait surnommé la ‘passerelle’», écrit ‘‘Le Monde’’
Sériati veut brûler la Tunisie
Selon le conseiller, l’ex-président s’était réfugié dans sa propriété d’Hammamet avant de quitter le pays et avait préenregistré son dernier discours. «Sériati a prévenu que les militaires, ces 'fils de bâtards', fraternisaient avec la population. Il a ajouté: 'Peut-être on partira, mais on brûlera Tunis: j’ai 800 bonhommes prêts à se sacrifier. Dans deux semaines, les mêmes qui manifestent vont nous supplier de reprendre les choses en main’», rapporte le conseiller, dont ‘‘Le Monde’’ n’a pas divulgué l’identité.