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jeudi 10 février 2011

Touriste, que fais-tu donc ici ?

Regards

Touriste, que fais-tu donc ici ?

Ah, bonne question ! Effectivement, que fais-je en Tunisie présentement, moi p’tit Belge né il y a 60 ans le « cul dans le beurre de la démocratie » ?

Ben mon frère, je pense que je profite tout simplement de l’opportunité d’assister à la genèse d’une semblable démocratie, d’analyser de l’intérieur pareil phénomène de société, peu banal conviens-en.

Le déroulement de cette page d’Histoire, je le vis depuis un modeste appartement que je loue en un village situé à proximité de Sousse.


Ainsi je peux sentir battre le cœur de la Tunisie profonde, découvrant quotidiennement le regard du commun des mortels. Je suis parmi les tiens, je suis toi !

A ce propos, aux trop rares touristes ayant refusé le rapatriement organisé au début des événements par les tour-opérateurs, je dis ceci : sortez de l’isolement de vos hôtels respectifs, mêlez-vous à la population, faites un peu tourner le commerce local selon vos moyens. De la sorte vous constaterez que la chape de plomb dictatoriale s’évapore de jour en jour et qu’un indicible vent frais de liberté souffle dorénavant depuis les quatre points cardinaux du pays.

La liberté mon frère, c’est déjà bien. Très bien évidemment. Indispensable, logique, fondamental, légitime.

Mais cette nourriture spirituelle suffira-t-elle à l’épanouissement de ta famille ? Non, bien sûr. Car tu as charge d’âmes n’est-ce pas ? Loger, nourrir, vêtir, soigner tes enfants, ta femme voire tes vieux parents : lourde et écrasante responsabilité.

A l’image de celle qui attend les élus que la volonté populaire désignera via les prochaines élections libres. La responsabilité de ces édiles sera identique à la tienne, mais à l’égard de dix millions d’êtres humains dont l’espérance aujourd’hui n’a d’égale que l’impatience.

Car il y a urgence.

Certes, la Tunisie est belle. Certes le soleil y brille très souvent. Certes la mer est azur et les plages scintillent de mille éclats dorés. Mais cachée par cette façade côtière la pauvreté – pour ne pas dire une certaine misère parfois – ne concerne-t-elle pas des milliers et des milliers de familles ?

Combien sont-ils ces ouvriers rentrant chez eux après journée et que je croise de-ci, de-là, avec dans un sachet plastique, probablement leur frugal repas du soir consistant en un oignon, deux ou trois tomates et un pain.

Crois-moi frère, cela me fait mal aux tripes et m’arrive alors une certaine gêne de vivre du « bon côté de la méditerranée ».

Mais il faut cependant poursuivre la marche en avant et confiance garder. Confiance en des jours meilleurs, en des salaires décents.

Les yeux de la planète toute entière sont tournés vers Tunis, Sfax, Sousse, Gabès, Tozeur, Gafsa… que sais encore. De partout vous parviennent des messages d’encouragement, de franche sympathie, voire d’admiration. Votre fierté épate.

Et moi, je me rassure : comment pourrait-il y avoir ici une marche arrière sociale et politique alors que, d’une part l’armée veille au maintien de la liberté nouvelle et que, d’autre part, les responsables du gouvernement provisoire, conscients de ne disposer d’aucun mandat émanant du peuple, ont promis de se retirer au lendemain des prochaines élections ? Dans le cas contraire, le parjure serait immense !

Freddy VAES (Le Belge)