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jeudi 17 mars 2011

Vous êtes un Juif moyen, de nationalité belge. C'est la rentrée des classes. Vous vous réveillez le matin et vous

http://www.lesoir.be/debats/cartes_blanches/2011-03-17/est-il-antisemite-de-comparer-israel-au-nazisme-828892.php


Jean-Philippe Desmet

Voulant assimiler les Juifs d’hier aux immigrés et aux Roms d’aujourd’hui, M. Chichah a dit ceci : « 90 à 95 % selon les sources, des Juifs en Belgique dans les années 40, étaient des immigrés (…) qui venaient de Pologne, et donc vous voyez... que c’étaient des gens qui parlaient pas bien le français, qui étaient pas très propres (…). C’étaient des gens qui étaient sales, c’étaient des gens qui étaient pauvres, c’étaient des gens qui posaient des problèmes à l’école ». On comprendra que M. Sosnowski et Mme Teitelbaum, présents au débat, se soient sentis personnellement offensés par cette généralisation abusive, puisque les Juifs « pas très propres » dont parlait M. Chichah sont en réalité ceux de la génération de leurs propres parents.

Chichah dira aussi ceci du négationnisme du génocide juif : « La question du négationnisme (…) ne m’intéresse pas. D’ailleurs j’ai pas d’avis puisqu’il est interdit d’avoir un avis dessus. Donc, en tant que légaliste, je m’en tiens à la vérité officielle ».




En regrettant à demi-mot qu’il y ait une « vérité officielle » sur le génocide juif, M. Chichah suggérait évidemment l’existence d’une autre vérité, différente de l’officielle, que la loi lui interdirait d’exprimer. Or la loi n’interdit que la négation, la minimisation, l’approbation ou la justification du génocide. Doit-on en conclure que si la loi lui interdit de faire valoir son point de vue, c’est qu’il aurait aimé nier, minimiser, approuver ou justifier le génocide juif ?

C’est un pas que je ne franchis pas, mais l’ambiguïté de ses propos exige une mise au point.

Jean-Philippe Desmet

On remarquera que jusqu’ici, les propos de M. Chichah, qui ont déclenché les réactions les plus indignées, n’ont strictement rien à voir avec la politique de l’Etat d’Israël. Lorsqu’il a parlé d’Israël, M. Chichah l’a fait pour dire « qu’il est permis aujourd’hui dans notre pays de comparer les dirigeants d’Israël à des nazis », précisant du reste : « Je vous mets au défi de me condamner pour cela ». M. Chichah abordait là un important point de fond, qui mérite réflexion.


Jean-Philippe Desmet

Il faut d’abord rappeler certains faits : l’antisémitisme est aujourd’hui, en France et sans doute en Belgique, la forme de racisme la plus violente, qui s’exprime dans une relative indifférence du grand public.

Les agressions sont répertori...ées. Par exemple, entre 2007 et 2010 en Belgique, ce ne sont pas moins de quatre synagogues qui ont été attaquées au cocktail Molotov ou vandalisées. En France, en 2009 uniquement, sept synagogues ont fait l’objet d’attaques, dont certaines avec des voitures-béliers chargées d’engins explosifs.

Les statistiques officielles françaises montrent que de toutes les minorités, ce sont les Juifs qui sont le plus souvent victimes d’agressions physiques inspirées par des motifs racistes. Le rapport annuel 2009 de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (2) dénombre ainsi 172 agressions physiques antisémites, tandis qu’en deuxième position viennent les agressions contre les personnes d’origine maghrébine, au nombre de 74 pour une population cinq à dix fois plus nombreuse. Il n’existe pas de statistiques comparables pour la Belgique, mais il est permis de penser que la situation n’y est pas meilleure.

Parmi les causes de ce phénomène figure en bonne place la « nazification » d’Israël et du sionisme. Or il est presque incongru de le rappeler : Israël, aussi critiquable soit-il, n’a jamais entrepris d’extermination systématique des Palestiniens. N’est-il pas insensé de comparer un conflit ayant causé environ 8.000 victimes (de trop) en onze ans, dont plus de 1.000 Israéliens (3), avec l’extermination industrielle de millions de Juifs, de Tsiganes, d’homosexuels et de malades mentaux ?

Jean-Philippe Desmet

Qui plus est, en associant Israël et le sionisme au nazisme, on favorise un climat d’hostilité contre la population juive d’Europe.

Cela explique qu’un document de travail de l’Agence de l’Union européenne pour les droits fondamentaux (ancie...nnement nommée EUMC) estime qu’il peut être antisémite, selon le contexte, « d’établir des comparaisons entre la politique israélienne contemporaine et celle des nazis » (4). En France, la très officielle Commission nationale consultative des droits de l’homme estime que de telles comparaisons permettent de classer un site internet comme antisémite (5). Le rapport Rufin sur le racisme se prononce dans le même sens : « Les accusations de racisme, d’apartheid, de nazisme portent des implications morales extrêmement graves. Elles ont, dans la situation où nous nous trouvons aujourd’hui, des conséquences majeures qui peuvent, par contagion, mettre en danger la vie de nos concitoyens juifs ». (6)

Il ne fait pas de doute que l’on a le droit de critiquer l’Etat d’Israël ou sa politique, et même de le critiquer avec violence ou excès. Mais la critique d’Israël ne peut servir de prétexte aux antisémites qui, au nom des droits de l’homme, trouvent un malin plaisir à accuser les Juifs de commettre un crime aussi épouvantable que celui dont ils ont été victimes.

Tout intellectuel doit assumer ses responsabilités morales : en comparant les dirigeants d’Israël à des nazis, on favorise l’antisémitisme, qu’on le veuille ou non. On jette de l’huile sur le feu. Il est juste de dénoncer sans complaisance ces discours pour ce qu’ils sont : des provocations irresponsables et inutiles.

(1)


(2)

http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/104000267/0000.pdf

(3) Source : B’Tselem.

(4) Working definition on antisemitism, 2005.

(5) Rapport annuel 2004, p. 243.

(6) Chantier sur la lutte contre le racisme et l’antisémitisme , 2004, p. 30.


Jean-Philippe Desmet

Complément d'information :

Video :"Dérive incontrôlée à l'ULB"


...L'Union des Etudiants Juifs de Belgique (UEJB) et l'European Union of Jewish Students (EUJS) réprouvent la décision des autorités académiques de l'Université Libre de Bruxelles d'offrir l'amphithéâtre Paul-Emile Janson à Dieudonné M'Bala M'Bala par un subterfuge, la diffusion du film « Est-il permis de débattre avec Dieudonné ?» de son porte-parole et « journaliste indépendant » Olivier Mukuna, dans lequel l'« humoriste » tient en fait une conférence longue d'une heure et demi.

Jean-Philippe Desmet

Du même auteur :
Heureux comme un Juif en Belgique

http://www.lesoir.be/debats/cartes_blanches/2010-10-01/heureux-comme-un-juif-en-belgique-796024.php

Heureux comme un Juif en Belgique

Vous êtes un Juif moyen, de nationalité belge. C'est la rentrée des classes. Vous vous réveillez le matin et vous allumez la radio. En vous rasant, vous entendez qu'un homme politique belge, commissaire européen, ancien ministre des affaires étrangères, pense qu'il est impossible de parler du conflit israélo-arabe avec un « Juif moyen », donc avec vous. Parce que vous êtes irrationnel et que vous croyez dur comme fer que vous avez toujours raison. Vous êtes humilié par la généralisation raciste ainsi faite par un haut représentant politique de votre pays. Et vous pensez immédiatement : ce n'est pas vrai, j'ai toujours défendu la solution « deux peuples pour deux Etats », je n'ai jamais nié la responsabilité israélienne, je pense simplement que la paix se fait à deux, et que les responsabilités sont partagées dans la poursuite du conflit. Est-ce tellement irrationnel ? Déjà huit heures, vous filez déposer vos enfants à l'école. Vous allez peu à la synagogue, mais vous avez choisi une école juive, pour qu'ils puissent apprendre l'hébreu, maintenir leurs traditions et connaître les spécificités de leur histoire. Or les écoles juives sont entourées d'épais pieux de béton pour se protéger des attentats, et doivent être surveillées en permanence par des gardiens privés, souvent accompagnés de policiers portant gilets pare-balle et mitraillettes. Vous traversez avec vos enfants le sas d'entrée surveillé par des caméras, et vous vous dites : décidément, nous les Juifs sommes un peu paranos. Puis vous vous souvenez de quelques attentats meurtriers ayant ciblé des lieux identifiés comme juifs. Pas israéliens, simplement juifs. En Belgique : grenades lancées sur un groupe d'enfants juifs montant dans un autocar à Anvers (1980, un mort), voiture piégée contre une synagogue à Anvers (1981, deux morts), et mitraillage d'une synagogue à Bruxelles (1982, 4 blessés dont deux graves). Et à l'étranger, plus récemment : la synagogue de Djerba (2002, 21 morts), la synagogue d'Istanbul (2003, 29 morts), les attentats de Casablanca notamment contre des cibles juives (2003, 45 morts en tout), les attentats de Bombay notamment contre un centre culturel juif (2008, 173 morts en tout). Cette répétition est-elle le fruit du hasard ? Vous vous rappelez alors que Ben Laden appelle à la guerre sainte contre les « Juifs » et les croisés. Pas les Israéliens, les Juifs. Vous vous souvenez qu'une association bruxelloise très active a appelé les musulmans, sur son site internet, à « se munir de destriers de guerre. Et par la suite, le peuple juif périra ». Pas le peuple israélien, le peuple juif. Vous vous rassurez en vous disant que ces musulmans-là sont très minoritaires. Mais en votre for intérieur, vous vous dites : pourvu que ces musulmans minoritaires continuent à choisir d'autres synagogues que celle où je vais, et d'autres écoles juives que celle de mes enfants. Et vous avez honte de votre réflexe égoïste mais tellement humain. A midi, vous déjeunez avec un collègue dans une taverne du centre-ville. On ne sait pourquoi, un quidam vous accoste et vous demande ce que vous pensez de la politique israélienne, « bien sûr, vous les Juifs avez souffert pendant la guerre, mais tout de même, est-ce une raison de faire la même chose aux Palestiniens ». Pourquoi vous ? Avez-vous l'air tellement juif ? Tellement différent ? Et puis, en quoi êtes-vous responsables de ce que fait le gouvernement israélien ? N'êtes-vous pas un Belge comme les autres ? Pour vous débarrasser de l'importun, vous répondez non sans un certain embarras qu'il a certainement raison, mais que maintenant, s'il-vous-plaît, vous voudriez bien terminer de déjeuner. Le soir venu, vous ne pouvez vous empêcher de penser à ce que vous a dit cet inconnu : les Juifs feraient aux Palestiniens ce qu'ils ont eux-mêmes subi pendant la guerre. Vous voyez sur internet les images d'une grande manifestation, dont le mot d'ordre fut « Gaza = Auschwitz », réunissant des dizaines de milliers de personnes en présence de plusieurs présidents de partis politiques francophones. Et vous vous dites : ainsi le peuple juif, mon peuple, dont le seul Etat au monde est Israël, serait devenu par un effrayant retournement de l'histoire une nation de nazis exterminant les Palestiniens ? Et si c'était vrai, ne faudrait-il pas alors éradiquer cet Etat, cette nation, traquer ces nouveaux nazis pour les empêcher de nuire ? Peut-on conclure un accord de paix avec des nazis ? Ou faut-il les combattre jusqu'à ce qu'ils capitulent ? Bien sûr vous savez, vous, qu'Israël n'a strictement rien à voir avec le nazisme. Tout le monde sait cela. Mais qui le dit ? Ceux qui font cette comparaison ignorent-ils qu'en associant Israël au mal absolu, ils encouragent un climat d'hostilité contre vous, le Juif moyen qui ne se désolidarise pas tout à fait d'Israël et qui est donc complice des nouveaux nazis ? Le lendemain, vous ouvrez votre quotidien favori, curieux de lire la polémique qu'assurément, les déclarations de votre ancien ministre auront suscitée. Et vous y lisez qu'en affirmant qu'il est impossible de parler avec vous, l'éminent diplomate aurait « bravé les tabous » et « dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas » (Le Soir, 4 septembre 2010). Vous pouviez imaginer qu'un individu dérape, fût-il un homme politique de premier plan. Mais si c'est là ce que tout le monde pense tout bas, avez-vous encore une place dans la société ? Vous poursuivez votre lecture et apprenez qu'à l'Université Libre de Bruxelles, temple de la pensée libre, on peut diffuser un film à la gloire du comédien Dieudonné M'bala M'bala, qui fut comique autrefois mais est aujourd'hui tellement obsédé par les Juifs qu'il les qualifie de « chiens ». Pas les Israéliens, pas les sionistes, les Juifs. Il a été condamné à plusieurs reprises par les tribunaux français pour incitation à la haine antisémite, mais certains de ses amis, invités dans l'enceinte de la pensée libre, défendent les qualités pédagogiques de l'histrion, tout en regrettant au passage que la loi sur le négationnisme leur interdise d'exprimer leur opinion sur les chambres à gaz. Le tout suscitant, dans les pages de votre quotidien habituel, une sorte de débat « pour ou contre » (Le Soir, 23 septembre 2010). Incrédule, vous lisez de doctes dissertations, et pour un peu, vous ne seriez même plus surpris si votre journal titrait : « le Juif moyen est-il ou non un chien ? ». Pris de vertige, vous vous demandez si ce pays, la Belgique, est encore le vôtre. Vous vous efforcez de chasser ce doute, de vous convaincre que la Belgique que vous aimez est une démocratie vigoureuse respectant la liberté de culte, un Etat de droit doté d'un système judiciaire indépendant et de législations contre le racisme et le négationnisme, et qu'il y a toutes les raisons pour que les Juifs y soient aussi heureux qu'ailleurs, voire davantage. Mais en vous-même, une petite voix ne cesse de vous répéter, obsédante, insidieuse : pourrai-je un jour vivre comme tout le monde ?

Georges Lambert

J'ignore si c'est antisémite mais c'est en tout cas aussi stupide et déplacé que de comparer Khadafi à Mère Teresa......

Philippe Requette

C'est navrant de bêtise !


Teddy Lowy

Ce titre est d'une ambiguïté crasse !!